Entrepreneurs : analysez moins, réussissez mieux !

Entrepreneurs : analysez moins, réussissez mieux !

Publié le 22 juin 2012

Dans un monde prévisible, les spécialistes en la matière recommandent de débuter son projet en analysant soigneusement le marché, puis en identifiant le créneau marché le plus porteur, en procédant à l’analyse de la concurrence afin de dénicher ses points faibles, et en terminant ses démarches par la rédaction de son plan d’affaires et la mise sur pied d’une équipe. Cette approche éprouvée, est enseigné dans les meilleures écoles de gestion du monde entier.

 

succès

 

Mais comment doit-on procéder lorsque nous désirons sortir hors des sentiers battus,  ou encore, faire preuve de plus d’innovation ? Comment fait-on pour lancer un projet dans un environnement incertain et survivre à cette incertitude ? Quelle est la meilleure façon de démarrer, lorsqu’il nous manque de l’information vitale pour prendre une décision éclairée, que les conditions économiques défavorables nous retiennent de plonger ?

 

 Les recherches de Saras D. Sarasvathy, professeure associée à l’école de gestion Darden de l’Université de Virginie, ont permis de cerner comment les entrepreneurs chevronnés pensent et agissent- ceux qui ont créé des entreprises de classe mondiale, réinventer les règles de leur industrie, ou encore mis sur pied une constellation de nouvelles entreprises. Lorsque les vieilles méthodes d’analyse, de prévision, de modélisation d’affaires, et d’allocation des ressources ne fonctionnent tout simplement pas, ils utilisent alors la logique de l’effectuation.

Selon cette logique, un entrepreneur démarre un projet en faisant l’inventaire de ses moyens (nous en avons tous, même si ceux-ci peuvent être insoupçonnés) et les utilisent afin de créer des effets (qu’est-ce que l’on peut faire avec nos moyens). Un effet atteint devient alors un nouveau moyen, permettant datteindre de nouveaux effets, pouvant définir de nouveaux buts et ainsi de suite, jusqu’à ce que de nouvelles opportunités soient créées.   L’effectuation ouvre la porte des possibilités tandis que la causation (l’approche dite prédictive) focalise les efforts des entrepreneurs vers la concrétisation d’une seule possibilité. 

 
Ainsi, plutôt que débuter leurs démarches en poursuivant un but précis, les entrepreneurs chevronnés favorisent l’émergence d’opportunités en se mettant dans le feu de l’action. Plusieurs diront qu’il suffit de se mettre sur le marché pour voir plus facilement les opportunités apparaître. Plutôt que tenter de dénicher des opportunités offrant le maximum de retour sur l’investissement, ils investissent plus de temps pour évaluer leur niveau de perte acceptable. Plutôt que tenter de rechercher la solution parfaite, ils se contentent d’une solution juste assez bonne pour faire le travail. D’une manière ou d’une autre,  la démarche des entrepreneurs n’a rien du Big Bang ou d’un moment de pur génie. Leur modèle d’affaires s’est plutôt développé peu à peu, en posant la prochaine action, puis celle qui suit… pour devenir avec le temps, un très grand concept. Au final, ces entrepreneurs ont réinventé les règles de leur marché sans l’avoir manifestement planifié.

Les entrepreneurs chevronnés ne sont pas différents de nous, sauf dans leur façon de penser. Ils n’essaient pas de prévoir le futur, mais tentent de le créer. Ils transposent leur pensée en action immédiate.

 Que vous soyez des gestionnaires ou des entrepreneurs novices, vous pouvez, lorsque vous êtes confrontés à l’inconnu, suivre le même processus. Cette façon de lancer de nouveaux projets est de loin, la moins risquée et la plus porteuse en terme d’innovation parce qu’elle produit des résultats rapides. L’approche effectuelle est basée sur ces trois principes :

Agir : déployer des actions qui font progresser l’idée

Apprendre : évaluer les effets que vous avez créés grâce à vos actions

Construire : répéter les étapes 1 et 2, jusqu’à ce que vous avez trouvé une opportunité, ou que vous devez changer d’orientation.

Privilégier l’action avant l’analyse, et l’apprentissage plutôt que la prévision peut vous sembler hors norme. Cependant, lorsqu’on aborde un projet par de petites bouchées à la fois, tout en prenant le moins de risque possible, on favorise le passage entre l’intention et la création, ce qui permet aux initiatives de décoller et de susciter l’innovation entrepreneuriale.

 

L’action effectuelle est de deux types, interagir avec quelqu’un ou faire quelque chose. Et si vous croyez que la planification et la modélisation d’affaires constituent un passage obligé pour devenir éventuellement une entreprise de classe mondiale, sachez qu’à peine 12 % des entreprises listées dans le magazine Inc. 500 ont réalisé une étude de marché formelle avant de démarrer leurs opérations.  Ces entrepreneurs ne sont pas pour autant téméraires  ou inconscients. Ils privilégient les approches les plus sûres, en s’engageant dans une série de petites étapes rapides qu’ils poursuivent en appliquant ces quelques règles de base :

1.    Utilisez vos moyens que vous avez à votre disposition

 Les entrepreneurs savent réunir les ressources dont ils ont besoin pour se lancer dans un nouveau projet. Cependant, les entrepreneurs chevronnés débutent en faisant l’inventaire de leurs propres moyens, et les utilisent pour franchir les prochaines étapes de leurs démarches. Ces moyens sont de plusieurs ordres, leurs passions, leur formation et leur expertise, combinée à leur réseau de contacts (les contacts de leurs contacts), c’est à dire, tout de qui ils peuvent obtenir rapidement des conseils, des clients potentiels ou des informations stratégiques, à peu de frais ou même, gratuitement.

 

2.   Restez à l’intérieur des limites de votre perte acceptable

L’approche agir-apprendre-construire est peu risquée, mais n’est pas non plus sans risque. Donc, à chaque étape, considérez combien de temps et d’argents vous pouvez vous permettre de perdre, qui vos démarches se concluaient par un échec. La perte acceptable n’est pas seulement liée à l’idée que vous désirez poursuivre, mais aussi, à tous projets que vous pourriez poursuivre, mais que vous n’avez pas le temps de faire. Votre réputation professionnelle doit aussi être pris en compte dans votre évaluation.

 

3. Allez chercher des engagements qui vous permettront de franchir la prochaine étape

À travers un processus d’interaction, vous allez rencontrer quatre types de gens: ceux qui désirent que votre projet se concrétise, ceux qui désirent vous aider, ceux qui n’ont pas d’intérêt que vous le fassiez et enfin, ceux qui vous mettront des bâtons dans les roues. Ne laissez pas les deux derniers groupes ruiner votre motivation. Plutôt que tenter de leur vendre votre idée ou d’obtenir un engagement de tous ceux que vous rencontrez, évaluez le niveau d’engagement minimal requis qui vous procurera une marge de manœuvre pour agir. Repartir avec un conseil utile ou un nouveau contact d’affaires peut aussi être le résultat d’une rencontre fructueuse.

 

4. Embarquez avec vous des volontaires

Si vous décidez de pousser plus loin votre idée, investissez dans des gens qui vous aideront, de façon volontaire, à concrétiser votre idée. Cherchez des gens qui partagent  votre enthousiasme et qui sont prêts à s’engager avec vous. En revanche, vous devez leur démontrer votre propre engagement, proposer une démarche honnête et équitable et enfin, favoriser la collaboration. La co-création est beaucoup plus intéressante que la compétition parce qu’elle peut amener vos idées sur des marchés insoupçonnés.

 

5. Misez sur des actions qui produiront des résultats rapides.

 En physique, la loi d’inertie est la résistance d’un corps à l’accroissement de la vitesse. L’entrepreneuriat est aussi soumis à cette loi de la nature. Les premières actions sont cruciales. Elles doivent être effectuées avec intensité. Plus vous générez des actions capables de produire rapidement des résultats, plus vous créez effet d’entrainement contagieux. Misez sur cet effet d’entraînement et sachez qu’il sera toujours plus facile de voir les opportunités arriver, une fois sur le marché. Le plus important, c’est d’ouvrir la première porte. Celle-ci doit être près de vos moyens, faire une différence autour de vous et vous permettre de construire quelque chose. Et dès que vous voyez des résultats positifs, poussez votre idée, en faisant la prochaine action, puis celle qui suit. Et si les résultats sont négatifs, profitez de cet apprentissage afin de réorienter vos actions. Chaque surprise, imprévue ou déception constitue de petites pépites d’or qui peuvent rendre votre idée meilleure ou encore vous indiquer qu’il est temps de jeter la serviette, avant d’avoir trop investi. Petit conseil: si la perte acceptable semble trop élevée pour votre partenaire, suggérez-lui un plus petit pas.
 

6. Gérez vos attentes

Ne créez pas d’attentes trop élevées. Pensez que vous utilisez les premières étapes pour explorer les idées et générer des faits qui vous aideront à déterminer où va le vent, dans quelle direction vous voulez lancer votre idée, quel marché semble le plus porteur.

Les entrepreneurs chevronnés ne délaissent pas nécessairement l’analyse au profit de l’effectuation. Ils connaissent l’utilité des deux approches et savent quand les utiliser à leur meilleur escient. À mesure que votre projet prend de l’ampleur et que vous disposez de plus en plus de faits, vous devez analyser ce qui est analysable, de planifier ce qui est planifiable. L’approche effectuelle ne remplace pas l’approche prédictive, elle facilite plutôt l’action et augmente vos chances de créer des opportunités d’affaires vraiment intéressantes.

 

Donc, la prochaine fois que vous désirez plongez dans un nouveau projet, analysez moins et agissez plus. Ainsi, de nouvelles portes s’ouvriront à vous.

Jean Lepage

Développement économique – CLD Gatineau

Vous aimerez aussi

0 commentaires

Laisser un commentaire