Mon cerveau est-il « Made In France » ?

Mon cerveau est-il « Made In France » ?

Publié le 9 mars 2012

À côté des petites phrases mouchetées de campagne électorale à faire pâlir une équipe de France d’Escrime championne Olympique, un débat s’impose petit à petit sur le Made In France. Chaque candidat y va de son label ou de son slogan : Made In France, Produire en France, Produire Français, Acheter Français… Derrière ces petites étiquettes se cache bien sûr un sujet plus englobant : la mondialisation.

Quelque soit leur bord politique, ils sont tous persuadés que le smicard français sera prêt, par un élan patriotique digne d’un sans-culotte de l’an I, à payer une paire de basket autour de 100€ en délaissant toutes ces paires vendues en grande surface au prix immoral et indécent de 19,99€ car fabriqué en Chine ou au Pakistan. Ce sont d’ailleurs ces mêmes candidats qui s’offusquent de la baisse du pouvoir d’achat des Français.

Alors que nos Don Quichotte du Made In France s’intéressent au secteur secondaire dit de l’industrie qui présente 15% des emplois salariés, qu’en est-il des services (44% des employés salariés) et, plus particulièrement, de la prestation intellectuelle ?

Prenons un graphiste web français qui propose une charte graphique personnalisée et clé en main pour 3000€. Peut-il tenir face à la concurrence du même graphiste polonais à 450€ ? Et ce développeur informatique français à 350€/jour est-il compétitif à côté de son camarade malgache ou indien à 50€/jour sous statut cadre ?  Allons plus loin, l’avocat français qui propose une consultation téléphonique à 300€/h est-il crédible face à une plateforme d’appel juridique en Tunisie pleine de juristes spécialisés en droit français prêts à répondre à vos questions pour 30€/h ?

Face à ce constat, après la désindustrialisation, pouvons-nous craindre la « désintellectualisation » ? Avec un peu de bon sens et de rigueur, tout n’est pas perdu. Tout d’abord, plutôt que de parier exclusivement sur le protectionnisme, qui n’est pas à totalement écarter mais qui n’est pas non plus la solution à lui seul, il est urgent de repenser sa valeur ajoutée. Mais qu’est-ce que la valeur ajoutée ? C’est le service rendu à un client pour lequel ce dernier estime qu’il est utile de sacrifier une partie de son pouvoir d’achat (le prix de ce service) pour l’obtenir.
Dans un contexte de monopole, cela semble simple. Mais dans un contexte de concurrence mondialisée, y compris pour les services, cette valeur ajoutée doit être compétitive : le couple valeur ajoutée/prix que je propose est-il plus intéressant que celui de mon concurrent fût-il étranger ?

Sur de nombreux secteurs, nous ne serons jamais aussi compétitifs que nos concurrents étrangers résidant dans des pays au salaire moyen 5 fois plus faible qu’en France. Aussi, est-il venu le temps d’en faire notre deuil en nous « réintellectualisant ». Comme nous l’avons fait dans les années 60 avec la mise en œuvre de grands projets tels que le nucléaire ou le Concorde, il est plus que temps de valoriser nos actifs culturels. Mais pour cela, il faudra attirer les capitaux. Ce n’est pas en expliquant que gagner plus d’1 million d’euros par an est indécent et en stigmatisant les gentils travailleurs aux méchants investisseurs que nous suivrons le bon chemin. Pourquoi ceux qui encensent Steve Jobs veulent exproprier Bolloré ?

Enfin, comment faire comprendre à nos candidats ayatollahs du protectionnisme que le seul marché pertinent est, au minimum, européen ? Mon cerveau est définitivement Made In World.

Julien Rittener

Dirigeant de Five Conseil

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