Immatriculation de société aux Etats-Unis : quand votre réussite dépend de votre comptable

Immatriculation de société aux Etats-Unis : quand votre réussite dépend de votre comptable

Publié le 20 février 2017

Dans sa nouvelle tribune, Stéphane Grynwajc rappelle que les comptables aux Etats-Unis n’ont pas exactement la même fonction qu’en France. 

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On ne rappellera jamais assez l’importance pour l’entrepreneur français aux Etats-Unis de s’adjoindre les services d’un bon comptable, que ce soit pour l’assister dans la tenue de sa comptabilité locale, optimiser sa stratégie fiscale, valoriser ses actifs lors d’une opération de fusion-acquisition, ou encore pour déterminer le nombre et la valeur des actions et autres parts sociales à émettre dans le cadre de la constitution de sa société voire d’une ouverture de capital pour accompagner une opération de levée de fonds afin de financer son développement sur le marché américain. Pour toutes ces opérations, le comptable est non seulement un interlocuteur indispensable pour l’entrepreneur, mais aussi un partenaire incontournable pour l’avocat qui assiste son client dans les différentes étapes de son développement aux Etats-Unis.
En revanche, aussi expert qu’il puisse être en matière comptable et financière, le comptable n’est pas un professionnel du droit. Sa licence de comptable ne l’autorise pas à exercer le droit, pas plus que son assurance responsabilité civile professionnelle ne couvre la responsabilité juridique qu’il pourrait encourir à l’égard d’un tiers du fait d’un manquement aux lois et règlements applicables. C’est particulièrement le cas en matière de constitution de société aux Etats-Unis, un domaine en constante évolution sur le plan légal et réglementaire que seul l’avocat, du fait de sa formation et de ses obligations déontologiques, a une responsabilité professionnelle de connaitre et de s’assurer de respecter, tant au moment de la constitution de la société qu’au cours des différentes phases de son développement post-immatriculation.

 Un comptable ne peut pas remplacer un avocat

En tant qu’avocat français et américain dont l’activité est dédiée à l’accompagnement, depuis New York, des entrepreneurs et startups français sur le marché américain j’ai très fréquemment à connaitre de situations dans lesquelles l’entrepreneur français, habitué – à raison ou à tort – à recourir aux services d’un comptable pour constituer sa société en France, applique le même modèle sur le marché américain, pensant souvent, ce faisant, économiser, le coût d’un avocat s’agissant d’une prestation dont il pense ou qu’un comptable a pu le convaincre qu’elle n’exigeait pas de retenir les services d’un avocat. Du fait de mon activité j’ai pu non seulement directement vérifier les limites d’un tel modèle aux Etats-Unis, mais également mesurer les risques financiers et juridiques – à court, moyen et long terme – qu’un non professionnel du droit accomplissant des actes juridiques a fait courir pour son client non averti, comme c’est malheureusement souvent le cas des entrepreneurs français arrivant aux Etats-Unis.
En effet, si la tentation de recourir aux services d’un non-profssionnel du droit pour constituer sa société a pu éventuellement donner raison à l’entrepreneur en France du fait de l’absence ou de la rareté de litiges post-immatriculation dont l’origine serait liée à un manquement légal ou réglementaire au moment de la constitution de la société, il serait particulièrement dangereux à tenir aux Etats-Unis, et ceci pour plusieurs raisons:

1  Aux USA, les litiges se règlent (presque) toujours au tribunal

Aux Etats-Unis la propension sinon la préférence des clients, fournisseurs, et des tiers, à résoudre la différends par la voie contentieuse est un fait établi. Aux Etats-Unis le premier réflexe d’un co-contractant ou d’un tiers souhaitant faire valoir ses droits sera de se porter devant les tribunaux. C’est moins le cas en France, mais l’entrepreneur français qui souhaite vendre ses produits ou services sur le marché américain sera très vite confronté à cette réalité de devoir s’adapter aux réflexes locaux, et à devoir adapter sa stratégie de positionnement aux Etats-Unis de telle sorte à s’entourer de professionnels spécialistes (et non généralistes) capables de l’accompagner et de le conseiller dans une gestion proactive des risques, mais aussi de l’accompagner dans la résolution des litiges pouvant, le cas échéant, en découler.

2 Les contrats doivent être conformes à la loi Fédérale et à celle de l’Etat

Les contrats soumis au droit américain contiennent de façon routinière une déclaration (« representation ») voire une garantie (« warranty ») que les parties sont, dans l’exercice de leurs activités sur le territoire de l’Etat de leur immatriculation en tant que sociétés comme de leurs activités sur le sol américain, « in good standing », laquelle déclaration ou garantie est réputée être applicable au jour de la signature du contrat, soit, en matière de droit des sociétés, que non seulement la société a été dûment constituée, mais aussi que toutes les opérations de restructuration, réorganisation, augmentation de capital, nomination d’administrateurs (« directors ») ou autres dirigeants (« officers »), ou toute autre opération devant, aux termes des statuts, faire l’objet d’un vote des administrateurs et/ou des actionnaires, a été effectuée en conformité avec les statuts voire, pour certaines opérations, les lois étatiques et/ou fédérales applicables, lesquelles lois peuvent également varier en fonction de l’activité de la société.

3 Les investisseurs US demandent des audits poussés

La plupart des startups que je conseille souhaitent, à terme, lever des fonds pour financer leur développement sur le marché américain. Dans ce cas, l’investisseur instruira typiquement un avocat local de réaliser un audit de conformité (« due diligence ») de la société, lequel audit, souvent très lourd, exigera de la société qu’elle fournisse toutes sortes de documents prouvant sa conformité aux lois et réglements, soit, en matière de droit des sociétés, copie de tous les documents constitutifs, résolutions et autres décisions des administrateurs et actionnaires. Une fois ces documents fournis l’avocat de l’investisseur en examinera le contenu et s’assurera de leur conformité tant aux lois de son Etat d’immatriculation qu’à celles de tout autre Etat dans lequel la société est autorisée à exercer ses activités aux Etats-Unis. A défaut pour la société d’être en mesure de produire la documentation en question, et dans le temps imparti, elle pourrait mettre en péril son opération de levée de fonds Sans compter les déclarations et représentations que le contrat d’investissement pourrait exiger de la société, et dont la violation serait suceptible d’engager la responsabilité de la société et de ses dirigeants.

4 Pour réussir son entrée sur le marché américain

Un certain nombre de mes clients choisissent également ou alternativement à une ouverture de capital pour y accueillir des investisseurs externes, de se positionner sur le marché américain via l’acquisition d’une société locale. Le succès de ce type d’opération dépendra également du respect par la société des lois et réglements étatiques et fédéraux, notamment en matière d’émissions d’actions et autres parts sociales de sociétés.

5 Un avocat est responsable de ses erreurs en matière de droit, pas le comptable

L’entrepreneur qui reçoit une plainte d’un tiers ou d’un partenaire commercial du fait d’un défaut de conformité aux lois et règlements en matière de droit des sociétés, laquelle peut très vite se chiffrer en dizaines de milliers de dollars aux Etats-Unis, cherchera naturellement à se disculper en se retournant contre le professionnel qui l’aura conseillé dans ce domaine. Le comptable est un professionnel du chiffre, pas du droit. Non seulement sa responsabilité ne pourra être légalement engagée du fait d’un défaut de conformité légale ou réglementaire, mais son assurance civile professionnelle en tant que comptable ne pourra être invoquée de ce fait.
En conséquence, l’entrepreneur français qui souhaite constituer sa société aux Etats-Unis sera bien avisé de résister aux sirènes de son expérience française ou de la facilité qui reviendrait à utiliser le même professionnel pour l’aider dans sa comptabilité et répondre à ses besoins juridiques. Le risque est simplement trop grand sur le marché américain. La meilleure stratégie pour lui sera de s’adjoindre les services d’un avocat pour l’accompagner dans la constitution de la société comme de son enregistrement dans tous les Etats dans lesquels elle devra être domiciliée et enregistrée afin d’exercer légalement son activité sur le territoire américain, et de retenir les services d’un comptable pour l’accompagner dans les opérations qui relèvent le plus naturellement de son expertise, et pour lesquelles sa responsabilité pourra, le cas échéant, être recherchée avec confiance.

Stéphane Grynwajc

Avocat-Transatlantique

 

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