L’éloquence, au cœur de l’école du XXIème siècle

L’éloquence, au cœur de l’école du XXIème siècle

Jules Ferry se retournerait-il dans sa tombe si on lui disait que maintenant, l’oral va prendre une dimension de plus en plus importante au côté de l’écrit ?

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Premier levier d’éducation, l’école pour tous privilégie depuis longtemps l’écrit. Nos enfants apprennent à lire, à écrire, à compter… Et ce avec des méthodes qui ont évolué au cours des temps. Entre celle syllabique (étude des syllabes pour construire des mots) ou celle globale (mémorisation des mots en un bloc), entre la mémorisation (le par cœur) et la compréhension…

Quant à parler ou s’exprimer à l’oral, cet apprentissage est très disparate. Il dépend des établissements publics ou privés, des programmes pédagogiques ou des professeurs et ne fait pas partie d’une matière d’enseignement à part entière.

« La parole est au discours ce que le calcul est aux mathématiques »

Les premières expériences d’expression orale de nos enfants se font à travers les poésies… Puis viennent les campagnes pour les élections de délégués dès le CP qui constituent le premier pitch des enfants volontaires. Puis viennent les exposés, ou encore les présentations de projets. Or, tout au long de notre scolarité nous sommes amenés à prendre la parole, à intervenir, poser ou répondre à des questions, émettre une idée.

La façon dont on le fait, tant sur la forme que sur le fond, amène des résultats (notes, attention ou intérêt des autres élèves, applaudissements…) très différents. Cette résultante peut soit nous encourager, soit nous frustrer.

Alors pourquoi n’apprend-on pas à parler ? Pourquoi ne pas encourager la parole, l’expression orale de façon aussi régulière que des heures de cours de maths, de français ou d’anglais ? Après tout, la parole est au discours ce que le calcul est aux mathématiques, et ce que l’alphabétisation est à la l’écriture.

Bientôt un oral de 20 min au Bac

En troisième, la restitution de son stage d’observation est une vraie première expérience d’expression orale/ présentation. Là encore, l’écrit, la présentation PowerPoint est très bien préparée. Et si certains établissements en font autant pour la préparation de l’oral, cela est malheureusement moins fréquent.

Ensuite venaient les fameux TPE. Mettons effectivement l’imparfait car la réforme du Bac que notre ministre de l’Éducation Jean Michel Blanquer a mis en œuvre en 2018 va, entre autres, progressivement donner plus de place à l’oral avec notamment un oral au bac de 20 minutes commun à tous les candidats, qui aura un coefficient de 10.

Cette décision permet de faire prendre conscience aux lycéens que l’oral compte et qu’ainsi il est important d’appréhender cet exercice dès que possible.

La claque des concours

Si les lycéens prennent de plus en plus conscience de la nécessité d’être « à l’aise à l’oral », ils sont face à cette réalité de façon assez violente dès que les concours d’entrée d’écoles arrivent. Ils comprennent le fameux entretien oral de motivation et de personnalité qui conditionne la dernière étape des concours d’admission.

Selon une étude Digischool pour Yapuka de 2017, les jeunes sont peu aguerris aux entretiens de recrutement. Ils sont 47% à dire « ne pas être du tout préparés », 35% d’entre eux redoutent « ne pas savoir répondre aux questions » et 26% ont « peur de perdre physiquement leurs moyens.»

Mais ce n’est que le début, car des entretiens, il va y en avoir ensuite de très nombreux. Pour trouver une entreprise dans le cadre d’une alternance, pour trouver un stage, un job d’étudiant, entrer dans un master et bien entendu pour trouver son premier emploi.

Et cela ne s’arrête pas aux entretiens car dans sa vie professionnelle, il y aura certainement des mobilités, des changements de postes, de sociétés, des évolutions, des passages en statut de freelance, d’entrepreneurs avec les pitchs… Bref, autant d’occasions de se démarquer à l’oral et d’être différenciant tout en étant soi-même.

Sensibiliser dès le plus jeune âge

Au vu de ces enjeux, pourquoi alors ne pas porter plus d’attention à l’oral et ce, dès son plus jeune âge ? Plus on fait des expériences oratoires jeunes, moins on a de complexes ou d’appréhensions et plus on a la faculté de progresser et se perfectionner. En Angleterre, l’association School 21 intervient dans des écoles primaires pour, dès l’âge de 6 ans, apprendre aux enfants à parler en prenant en compte les aspects linguistiques, physiques, cognitifs et émotionnels.

L’art oratoire est une discipline qui s’apprend, qui s’apprivoise et qui peut progresser de façon spectaculaire et ce pour toutes les catégories sociales. C’est même un ascenseur social important. En témoigne Bertrand Perrier, timide jusqu’à l’âge adulte qui, suite à un déclic et beaucoup d’entrainement, est devenu un brillant avocat. Il donne des conférences, des cours, est auteur de « La parole est un sport de combat » et ne rate aucune occasion de faire la démonstration de la  puissance de la parole.

On peut aussi citer Stéphane de Freitas qui, en réalisant le film « À voix Haute », a déclenché un vrai engouement pour les concours d’éloquence et a ouvert des perspectives à des catégories de jeunes qui pensaient que cet art n’était pas pour eux. Autant par ce film, que par son livre « Porter sa voix » et surtout par la diffusion de sa pédagogie ELOQUENTIA dans les établissements en quartiers sensibles, il véhicule et défend la pédagogie de la parole éducative.

Le boom des soft skills

Dans le monde professionnel, les hard skills (savoir-faire, compétences) font partie des critères forts de sélection pour les postes. Mais on assiste à une ascension fulgurante des soft skills (le savoir être, le comportement) auxquels appartient l’art oratoire. Selon une étude sur 800 offres d’emploi, quatre principaux critères des recruteurs sont des soft skills.

Alors, rassurons-nous, l’école n’est bien évidemment pas la seule responsable de l’éducation de nos enfants ! La famille, les proches, l’environnement sont des acteurs clés dans l’encouragement de la parole et l’art oratoire. Chaque occasion : déjeuner, dîner, vacances, tête à tête dans une salle d’attente, échange, débat, présentation d’un projet de voyage, d’un déménagement, d’une idée de sujet d’exposé, une demande de cadeau pour ses 18 ans… Sont des motifs à parler, à développer des arguments, à s’exprimer avec conviction, avec sa voix, son énergie, ses émotions.

Encourageons, relançons, stimulons et laissons nos enfants s’exprimer dès qu’ils le peuvent, c’est comme cela qu’ils grandiront en confiance et gagneront en assurance. C’est aussi avec ça qu’ils se construiront et qu’ils afficheront des succès et des réussites de plus en plus grands.

 

 

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