Quand la publicité s’inspire du 7e art

Quand la publicité s’inspire du 7e art

Cinéma et publicité

Réalisateurs célèbres, moyens techniques dignes de films hollywoodiens… Comment la publicité se nourrit des codes du 7e art pour émouvoir son public ? Enquête

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Publicité et réalisateurs

Michel Gondry pour Levis, Ridley Scott pour Turkish Airlines ou encore Martin Scorcèse pour Chanel…De nombreux réalisateurs célèbres ont mis leur talent au service des annonceurs. Des collaborations à travers lesquelles les annonceurs cherchent à préempter les émotions créées par le cinéma.

« Il y a une forte attraction de la part des annonceurs pour les réalisateurs qui font de la fiction. La valeur ajoutée de cette collaboration repose en outre sur le choix du casting et de la direction d’acteurs que les réalisateurs vont amener sur ces projets » explique Juliette Lambert, fondatrice de la société de production audiovisuelle et photographique Mirror Mirror.

En effet, même s’ils font appel à des réalisateurs célèbres, les annonceurs n’en oublient pas pour autant les codes publicitaires.  Et la vision de certains cinéastes ne s’adapte pas vraiment à ces contraintes.

« Les campagnes réalisées par David Lynch par exemple n’ont pas eu le succès escompté » confie Juliette Lambert.  Peut-être parce que ce dernier criait à tout va que « c’était de la merde ».

Mais toujours est-il que cinéma d’auteur et publicité ne font pas bon ménage. « Il faut qu’il y ait dans leur film ou dans leur environnement. Quelque chose qui soit compréhensible par le client. Le cinéma d’auteur est invendable à un annonceur. Et ce n’est pas le talent du réalisateur dans son milieu d’origine qui garantit des campagnes à succès. Il y a une sensibilité dans ce type de réalisations qui ne trouve pas forcément son application dans la pub ». Raconte Juliette Lambert avant d’ajouter « A une époque, par exemple, j’ai voulu travailler avec Antonin Peretjatko ( La loi de la jungle..) . Créativement parlant, son apport aurait pu être très intéressant sur un script de pub. Mais bien que j’aie essayé de le proposer sur certains projets, cela a été refusé. Parce que son travail n’est pas assez lisse ».

Pub ou bande annonce ?

Pourtant la publicité s’inspire souvent des codes du 7e art. De plus en plus de marques utilisent les courts métrages pour communiquer à l’instar de Gucci. Pour sa campagne printemps-été 2019, réalisée par Glen Luchford, la marque revisite les classiques d’Hollywood tels que Chantons sous la pluie ou un Américain à Paris.

« Toutes les marques ont ce besoin de raconter une histoire de plus en plus forte Un besoin de construire une fiction autour de la marque qui rappelle ses valeurs. Les spots publicitaires jouissent parfois de moyens techniques plus élevés que dans un film. C’est réellement un investissement intéressant en termes d’images. » analyse Juliette Lambert.

Et cela Intermarché l’a bien compris. A peine dévoilé, le dernier spot « C’est magnifique » réalisé par Katia Lewkowicz a enregistré plus de 500 000 vues. L’histoire ?  A l’occasion du mariage de son fils – le personnage principal, un homme d’une soixantaine d’années tente de faire renaître le souvenir de sa femme décédée. Pareil pour Renault, qui a travers sa campagne pour la nouvelle Clio livre une nouvelle version de la publicité cinématographique en utilisant les codes qui rappellent même le cinéma de Terrence Malick : lumière naturelle, caméra à l’épaule, séquençage des plans…  Le court métrage a été vu plus de 10 millions de fois sur Youtube et Twitter, même aux Etats-Unis, où la voiture n’est même pas en vente.

C’est là tout l’intérêt de ces campagnes, qui créent plus d’engagement qu’un réel impact sur les ventes. Une technique qualifiée d’insidieuse par Jonah Weiner dans un article pour le New York Times « le mauvais goût de la grossière machine marketing pavlovienne » dénonce le journaliste.

Une forme encore plus insidieuse de manipulation ?

Selon un article de l’institut Pandore, les années 1950-1960 ont vu apparaître de nombreuses stratégies de créations publicitaires inspirées des recherches de Pavlov : en associant implicitement un stimulus positif comme un mot agréable, une jolie musique ou une belle image à votre publicité, vous modifierez la perception que le consommateur en aura, c’est ce qu’on appelle la réponse conditionnée. Dans cet article, l’auteur raconte également « la dernière fois que j’ai allumé la télévision. Je suis tombé sur un reportage qui parlait des radars autoroutiers. A la fin du reportage, j’étais stressée et plutôt en rogne contre tous ces radars. Je me suis demandé pourquoi un reportage aussi minable m’avait mis dans un tel état. La réponse était pourtant simple : la musique de fond était une musique de film d’horreur, ni plus ni moins. Des violons stridents et des notes tenues dans des tonalités mineures »

Le pathos n’est pas en reste. Il est bien connu que l’enjeu d’une pub est de créer une forte réaction dans le public comme la joie, la peur, l’espoir, l’indignation… Longtemps l’apanage des publicités d’institution. Le pathos dysphorique (dont le but est de susciter l’indignation, le dégoût, le danger ou la compassion par des mots et des images très durs) semble aujourd’hui détourné à des fins commerciales.

 

 

 

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