« Le Big Data en politique, c’est le Far West, la Ruée vers l’or », Thomas Isnard

« Le Big Data en politique, c’est le Far West, la Ruée vers l’or », Thomas Isnard

Publié le 11 novembre 2021

big data

Il n’aura fallu que quelques élections pour que le Big data devienne un acteur central de toute campagne électorale. Secteur de niche, mal compris, il s’est révélé avec violence lors des succès de Donald Trump ou du Brexit, au point de créer des sueurs froides à tout directeur de campagne. Alors que la France entre en campagne présidentielle, on fait le point avec Thomas Isnard fondateur d’Apollo Plus.

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Comment le Big Data est devenu le nouvel influenceur des campagnes électorales ?

Le Big Data en politique, c’est le Far West, la Ruée vers l’or : on entrevoit beaucoup de choses qui brillent, ça rend fou, ça donne envie de contourner les règles, mais au final il faut savoir ce que l’on fait pour exploiter les bons filons. Le terme de « Big Data » regroupe beaucoup de choses mais c’est d’abord le fait de produire de plus en plus d’information, et le développement des moyens de l’exploiter. D’abord utilisé dans la sphère commerciale, le Big Data est désormais mis au service des politiques. Cette masse d’information en circulation peut être utilisée aussi bien pour mobiliser, pour comprendre, et pour convaincre.

Le Big Data pour mobiliser, car il est désormais possible de connaître les centres d’intérêt et goûts des gens, sur les réseaux sociaux notamment. Dès lors, on peut identifier les personnes réceptives à son message politique, et leur proposer des messages et des contenus qui les confortent dans leurs opinions. Cela accentue la polarisation et la radicalisation des opinions, car on n’est jamais exposé à la contradiction ou la nuance, et on a le sentiment de faire partie de la majorité silencieuse. Poussé à l’extrême, cela aboutit aux dernières élections américaines, avec l’assaut du Capitole par une foule convaincue de s’être fait voler les élections. On voit que ces excès permettent une prise de conscience et une régulation des réseaux sociaux.

Le Big Data pour comprendre et convaincre également, car il permet d’avoir des millions d’informations sur une population donnée, et être ainsi au fait de ses préoccupations et attentes. Cela permet ensuite d’adapter son discours et ses propositions pour être plus convaincant auprès de son public. Jusque-là, c’était le rôle d’experts, dotés d’une grande expérience et d’une grande intuition. Et la seule donnée chiffrée provenait des sondages.

Le Big Data va-t-il remplacer les sondages ?

On l’a vu, les résultats des élections font de plus en plus mentir les sondages. Les raisons à cela sont multiples : l’abstention, les grilles d’analyses politiques qui deviennent obsolètes, mais également la méthodologie employée par les instituts de sondage. Leur manque de précision est sans doute lié à l’utilisation de méthodes qualitatives, déclaratives et statistiques dépassées. Pas d’analyse de comportement, de séries temporelles, aucun enrichissement en méta données pour maîtriser incertitude et volatilité des idées et des intentions de vote. Cette prise de conscience amène les partis politiques à se tourner vers des start-ups aux outils plus puissants.

Désormais, le Big Data peut compenser une partie des errements des sondages. Comme expliqué, on peut détecter des tendances, comprendre plus finement les aspirations des gens, analyser certains comportements grâce à l’Intelligence Artificielle et le Big Data. On a ainsi une vision plus complète, plus profonde, mais aussi plus complexe de l’électorat.

La philosophie du Big Data est de se nourrir de toutes les informations disponibles, et de trouver sa pertinence dans leur multiplication. Les sondages sont une source d’information parmi d’autres, alors pourquoi s’en passer ? En revanche, c’est dommage aujourd’hui de se limiter à cela pour avoir le doigt sur le pouls du pays.

Quelles informations l’intelligence artificielle peut-elle apporter aux candidats ?

La société française, comme beaucoup d’autres, est de plus en plus fragmentée. Avec sa puissance d’analyse, l’intelligence artificielle permet d’identifier ces fragments et de comprendre leurs moteurs, leurs aspirations, leurs habitudes. Le candidat pourra choisir le bon moyen de communication avec le bon message pour convaincre. L’Intelligence Artificielle va permettre de descendre très finement, et industrialiser tous ces micro-ciblages, là où les méthodes traditionnelles n’arrivent plus à suivre. L’IA va permettre  d’identifier des signaux faibles, ces micro-indicateurs qui permettent de détecter des tendances très en amont avant qu’elles ne se réalisent en masse. Et pas besoin de connaître nommément l’électeur ou de se limiter aux fichiers des encartés ou sympathisants. Les électeurs peuvent être regroupés dans des groupes anonymisés aux caractéristiques et profils semblables. Si certaines start-ups dans la distribution et le tourisme décomposent les clients en plusieurs centaines ou milliers de segments pour mieux cibler et répondre à la demande, il est possible de faire de même en politique.

Comment concilier Big Data et respect de la vie privée des utilisateurs ?

Il y a différentes façons d’utiliser la data, certaines plus ou moins respectueuses de la vie privée. On peut chercher à retracer individuellement ce qu’a fait une personne et utiliser cette connaissance pour l’approcher, ce qui s’avère très intrusif… et souvent illégal.

Une autre approche, plus scientifique, consiste à créer des groupes de personnes qui partagent des caractéristiques ; dès lors, ce n’est plus l’individu qui est scruté, mais le comportement du groupe, et la vie privée de chacun est parfaitement respectée. On ne renonce pas pour autant à la précision d’analyse, car la segmentation peut être très fine. C’est justement l’un des intérêts de ces nouveaux outils basés sur l’intelligence artificielle et le Big Data : là où auparavant on se contentait d’analyser manuellement 4 ou 5 segments de population, on peut désormais laisser les algorithmes analyser plusieurs centaines, voire milliers de segments et attirer l’attention de l’homme sur les situations précises qui méritent d’être approfondies.

C’est cette méthode qui est utilisée par Apollo Plus pour concilier Big Data et protection des données personnelles.

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