Les enjeux autour de la guerre des talents au sein de la French Tech

Les enjeux autour de la guerre des talents au sein de la French Tech

Publié le 31 mars 2022

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Il n’est désormais plus étonnant de voir le nom d’une entreprise Tech tricolore associée à celui d’une levée de fonds record ou d’un rachat spectaculaire. Pourtant, si la course au financement ne semble plus être le seul problème, c’est maintenant celle des compétences à laquelle se confronte le secteur, qui peine à recruter de nouveaux talents… Décryptage avec Gilles Bertaux, Co-fondateur et PDG de Livestorm.

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Quelles sont les raisons de la pénurie de talents en France ? 

Le marché de l’emploi a souffert de la crise de la Covid en 2020 pour une majorité d’entreprise, mais j’ai été ravi de constater que la tendance s’est ensuite totalement inversée l’année suivante dans la majorité des secteurs d’activité, et notamment dans la tech.
La France n’a jamais autant embauché dans ce secteur mais parallèlement, le nombre de candidats a diminué, créant ainsi une pénurie de talents. Cet effet est également renforcé par le développement du télétravail, favorisant ainsi le recrutement de candidats à l’international.

La pandémie a eu également un autre effet sur les candidats : ils ont eu le temps de remettre en question leur propre aspiration, mode de vie, couple, relations sociales, et leur emploi. Dans certains cas, je crois qu’il est naturel, et même sain, de reconfigurer sa vie. La crise de la COVID a mis en lumière une envie de mobilité géographique des candidats, leur permettant ainsi de gérer différemment leur quotidien. Le salaire n’est plus le seul critère important. Les candidats sont désormais plus exigeants que ce soit par rapport au sens des missions ou à la flexibilité proposés. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est désormais un critère d’une grande importance, auquel les entreprises doivent désormais s’adapter.

Le retard de formation en France dans les métiers du numérique participe également au phénomène de pénurie de talents, et cela a été accentué par la crise épidémique. Tout le monde a désormais besoin d’être formé au numérique, qu’on soit spécialisé dans la tech ou pas. Et concernant les métiers spécialisés, on constate que les grandes écoles sont aujourd’hui détrônées par des plus petites et plus récentes, ayant moins pignon sur rue mais disposant de meilleures méthodes d’apprentissage, davantage en lien avec ce que les entreprises recherchent aujourd’hui. C’est notamment le cas de l’école 42 ou d’Epitech.
Je pense qu’il faut prendre le problème à la racine avec la vulgarisation des métiers de la tech, probablement dès l’enseignement secondaire. Ces métiers sont une mine d’or en termes d’emploi et d’avantages souvent proposés en termes de flexibilité, salaires, etc. Technologies de l’information, des données, du commerce électronique, ou encore la cybersécurité, les possibilités sont variées mais sont encore trop peu considérées.
Ce retard de formation est un élément important qui pourrait peser majoritairement sur le développement et la compétitivité de l’écosystème tech français.

Dernier point, je pense que le fait que beaucoup de licornes cherchent à recruter en même temps favorise aussi cette tendance. L’année 2021 a été incroyable pour les start-up françaises en termes de financement, et cette tendance semble continuer cette année.

Quels sont les leviers activables afin d’attirer et garder les talents dans les startups françaises ? 

Je pense que l’écoute est un levier important. Les personnes essaient de comprendre leur prochain mouvement de carrière ou de trouver le bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ce n’est pas surprenant. Mon meilleur conseil est d’écouter ces nouvelles attentes, peut-être pourriez-vous y répondre favorablement, ou pas, mais l’important est d’écouter et d’essayer. Si vous n’écoutez pas du tout et que vous n’essayez pas de vous adapter, vous risquez d’être moins attractif qu’une autre entreprise qui, elle, sera à l’écoute et s’alignera avec les attentes des candidats. Cela peut concerner la flexibilité au travail, les projets qui doivent être alignés avec leurs objectifs de carrière, une possibilité d’évolution, ou encore l’environnement qui doit être sain et stimulant pour le salarié.

La question des salaires est également un second levier sur lequel les entreprises peuvent jouer. Il a été impacté par l’arrivée de fonds et pratiques anglo-saxons, sur lesquels les startups européennes doivent maintenant de plus en plus s’aligner, même si le télétravail contribue à diluer cet effet.

Quels sont les prochains challenges à relever pour les entreprises de la French Tech ?

Une part importante des investissements dans la French Tech sont internationaux, ce qui marque l’attractivité de la France et sa place de plus en plus conséquente dans le monde de la tech qui reste cependant encore challengée par nos amis européens. Cette attractivité bénéfique ne doit pas faire oublier la question de notre souveraineté technologique.

Comme je l’évoquais tout à l’heure, il me semble indispensable de promouvoir l’éducation numérique dans le système éducatif français, seule solution pour mettre en adéquation les compétences actuelles et les demandes des entreprises.

Un autre élément me paraît très important, la diversité. En effet, 85% des start-ups françaises créées ces dernières années sont exclusivement masculines. Seules 10% recrutent des équipes mixtes.
L’étude que nous avons réalisée récemment a révélé un réel problème de perception des métiers de la tech auprès des femmes, alors que ce domaine propose les avantages qu’elles recherchent. Cette perception peut remonter à l’enseignement secondaire qui est aussi désaligné avec le milieu. Aujourd’hui travailler dans la tech c’est aussi bien être dans la vente, le marketing, les ressources humaines ou être ingénieur. Ce manque de diversité ne peut, à mon avis, qu’aggraver le phénomène de la pénurie des talents en France.

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