Francis Mer : le patron qui n'a jamais su être politique

Francis Mer : le patron qui n'a jamais su être politique

Publié le 7 mars 2013

Toujours en mal d’action, nombre d’entrepreneurs s’imaginent un jour démarrer une carrière d’homme ou femme politiques. « Pour changer les choses » disent-ils. Ministre de l’Économie pendant deux ans, Francis Mer a eu le temps de changer de peau. Bien souvent à ses dépens.

Francis Mer

Politique ou entreprise, fallait-il choisir ?


« Le Français, c’est quelqu’un avec qui il n’est pas facile de traiter ». Francis Mer ne croit pas si bien dire. Au point d’ailleurs que l’on pourrait se demander s’il ne pense pas un peu à lui lorsqu’il prononce cette phrase. En effet, indépendant pour ne pas dire individualiste, moraliste et doté « d’un esprit visionnaire », selon les syndicats, Francis Mer n’a jamais laissé indifférent. Il faut dire que son œuvre majeure : la création d’Arcelor en 2001, issue de la fusion entre le français Usinor, le Luxembourgeois Arbed et l’espagnol Aceralia, donnera à l’entrepreneur Français le statut enviable de « sauveur de la sidérurgie Européenne ».
Pourquoi alors accepter ce poste de ministre en 2002, qui plus est celui de l’Économie et des finances, plus connu pour être un « écrase-ambition » qu’une rampe de lancement vers de nouvelles aventures entrepreneuriales. Oui, mais voilà, le Béarnais aime le défi. D’autant que Francis Mer a eu l’intelligence de contredire le Medef d’Ernest-Antoine Seillière, dont il est le vice-président à l’époque, en ébullition totale face aux 35 heures et à tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un projet de la gauche plurielle. Au moins, ne sera-t-il pas considéré comme la « voix du Medef » au gouvernement.

Voix de la société civile

Car, au-delà de son passé de grand patron, c’est la crédibilité de la société civile qui se joue en la personne de Francis Mer. En effet avant lui, aucun dirigeant à l’exception de Roger Fauroux, ministre de l’Industrie sous le gouvernement Rocard de 1988 à 1991, et ancien PDG de Saint-Gobain, n’a eu l’occasion d’exercer un ministère aussi important au sein d’un gouvernement. Mais, le rejet de la classe politique est tel après le 21 avril 2002 que Jacques Chirac s’est senti obligé d’élargir quelque peu le spectre de son personnel gouvernemental.
D’autant que, même si l’attention médiatique se concentre sur les enjeux sécuritaires, incarnés par Nicolas Sarkozy, de grands enjeux pèsent sur les épaules de Francis Mer : ouverture du capital d’EDF et de France Telecom, maîtrise des dépenses, négociation avec Bruxelles sur les 3% de déficit. Problème, à ces dossiers techniques que l’ancien entrepreneur maîtrise parfaitement, il faut cependant offrir un vocabulaire de circonstance.

Peu influent au sein du gouvernement 

Or, Francis Mer ne le comprend pas tout de suite. Il faut dire que dans sa bouche, le mot « rigueur » n’est pas un gros mot. Ce qui a le don d’exaspérer son premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et surtout Jacques Chirac, obsédé par une éventuelle flambée sociale. Sans parler du protocole, ce dont il se fiche à bien des égards. La preuve une fois où, accompagnant Jacques Chirac au Maroc, Francis Mer l’avait repris après une « inexactitude » présidentielle.
Ce à quoi s’ajoute son manque de relais dans les réseaux tortueux du pouvoir. D’autant que les arbitrages ne sont pas en sa faveur. Il ne veut pas de la baisse de 3% de l’impôt sur le revenu ? Le gouvernement la vote quand même. Même chose sur les questions budgétaires, son gouvernement et, plus largement, la classe politique dans son ensemble ne voient pas encore le danger mortel du déficit.

Victime des régionales

Résultat, son influence fond comme neige au soleil d’Ibiza. Les sondages ne sont d’ailleurs pas flatteurs. À l’époque peu de Français voient en lui le sauveur de l’économie française. Et pourtant, au bout de deux ans, son bilan n’est pas inexistant : privatisation de France Telecom, une nouvelle autorité des marchés financiers a vu le jour, l’ISF a été revu à la baisse, et l’État tient, malgré tout, encore solidement les cordons de la bourse.
Oui, à cela près que la politique a ses raisons que l’économie ne connaît pas. En effet, depuis sa réélection, Jacques Chirac n’arrive pas à réenclencher une nouvelle dynamique. Seul le jeu se fait autour de la personne de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin. Or, les élections régionales arrivent en 2004, avec le résultat que l’on connaît (21 régions sur 22 désormais aux mains des socialistes). Après la débâcle, l’heure est au « resserrement des équipes ».

« dans la vie, ce qui compte, c’est d’aider »

Fini donc la parenthèse de la société civile en politique. Pas d’amertume cependant chez Francis Mer. À ses yeux, il n’a « pas du tout [eu] le sentiment d’avoir perdu son temps à Bercy ». Lors d’une ultime réunion avec ses collaborateurs, il affirme même : « dans la vie, ce qui compte, c’est d’aider les autres, de faire avancer les choses ».
C’est que l’homme est chrétien.

@TancredeBlonde

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