Le management est mort, vive le management ! [Interview de Philippe Détrie]

Le management est mort, vive le management ! [Interview de Philippe Détrie]

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Etre un « bon » manager n’est plus la même chose aujourd’hui qu’il y a dix ans. Certains sont même persuadés que ce métier est condamné à disparaître. Qu’en est-il vraiment ? Philippe Détrie, Fondateur de la Maison du Management et du tout premier Salon du Management, répond à nos questions.

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Widoobiz : Manager, ça veut dire quoi ? Peut-on définir des profils types de managers ?

Philippe Détrie : manager, c’est l’art d’animer une équipe pour atteindre des objectifs attendus, tout en permettant à chacun de donner le meilleur de soi-même et de progresser. Bien sûr, chaque manager est différent. On peut néanmoins en distinguer trois profils.

  • Les managers axés sur le résultat – je les appelle les « Attila ». Pour eux, peu importe les moyens tant qu’ils arrivent à leurs fins et génèrent du profit pour l’entreprise.
  • Les managers axés sur l’équipe. Proches de leurs collaborateurs, ils donnent de l’âme à leur team, fédèrent et favorisent les interactions.
  • Les managers axés sur la personne. Empathiques, ils se préoccupent de leurs collaborateurs dans leur individualité, pour que chacun puisse progresser.

W : L’un de ces profils est-il meilleur que les autres ?

Ph. D. : les « Attila » fournissent généralement de bons résultats à l’entreprise, mais n’incitent pas les collaborateurs à rester. Ils peuvent vite faire face à des conflits au sein de leurs équipes. À l’inverse, les deux autres profils savent créer un environnement de travail agréable, mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Les nouvelles générations cherchent des jobs qui aient du sens, qui leur permettent d’apprendre et de progresser, le tout dans un environnement agréable. Un bon manager doit donc faire la synthèse de ces trois profils.

W : Finalement, comment reconnaître (et être soi-même) un bon manager ?

Ph. D. : selon moi, un manager a cinq grands rôles. Il doit être :

  • Pilote, pour atteindre des objectifs définis.
  • Animateur, pour fédérer son équipe.
  • Coach, pour aider chacun à identifier ses motivations.
  • Contributeur, pour faire le lien entre son entité et le reste de l’entreprise.
  • Leader, pour embarquer l’ensemble de ses équipes et conduire le changement.

S’il remplit toutes ces conditions, alors il avance dans la bonne direction.

W : Face aux mutations de la société, le management est-il condamné ?

Ph. D. : on entend beaucoup de monde parler de la mort du management. À mon sens, on va plutôt être confronté à sa mutation. Oui, le management tel qu’on le connaissait, celui qui confisquait le pouvoir et n’encourageait pas la responsabilisation des individus, est peut-être mort. Les organisations s’assouplissent, allègent leurs process. Elles ont compris qu’il fallait rétablir un équilibre entre la stratégie, l’organisationnel et l’opérationnel. Mais on aura toujours besoin de managers. Leur défi sera justement d’ouvrir leurs équipes aux métamorphoses du monde et du travail. Nouveau monde, nouveau management !

W : À quels enjeux vont-ils être confrontés ?

Ph. D. : aujourd’hui, la société évolue, notamment par la mondialisation ; la technologie est en plein boom et accélère les processus ; et le travail lui-même est en pleine mutation. Résultat, les organisations vont se flexibiliser, se digitaliser, se dé-siloter… Et le management va s’adapter aux nouvelles attentes des employés, en quête de souplesse et de sens. On peut notamment attendre des managers qu’ils pratiquent le feed-back positif, qu’ils encouragent le travail collaboratif, qu’ils sachent féliciter en public/critiquer en privé… et même qu’ils demandent directement à leurs collaborateurs comment s’améliorer.

W : Il faudrait donc motiver les managers à se remettre en question ?

Ph. D. : c’est un énorme chantier ! Généralement, les managers savent atteindre les objectifs, animer une équipe. Mais ils ont plus de difficultés en matière de coaching et d’accompagnement des personnes dans leur chemin professionnel. Savoir identifier une motivation, maîtriser la communication non-verbale, décrypter les émotions… cela s’apprend. Il faut donc sensibiliser et former les managers. Il est aussi intéressant de recruter des personnes qui possèdent déjà ces qualités, des passionnés qui sauront entraîner leurs collaborateurs. Et, pourquoi pas, baser les promotions sur autre chose que des chiffres. Un travail pour les RH mais aussi pour la direction, qui doit faire preuve d’exemplarité.

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