Échec scolaire : pourquoi une startup réussit là où l’Etat dégringole

Échec scolaire : pourquoi une startup réussit là où l’Etat dégringole

Publié le 7 décembre 2016

Enquête après enquête, la France dégringole dans les classements PISA et Timms. Dirigeante de Declic et des Trucs, Heloïse Pierre nous explique ce déclin et comment nous pouvons donner des solutions aux enfants. 

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Comment explique-t-on cette dégringolade de la France ?

À mes yeux, La France n’a pas su faire évoluer les méthodes d’apprentissage des enfants. Il y a un énorme fossé entre la façon de consommer l’information des enfants et l’enseignement traditionnel. Ça ne colle plus.

C’est-à-dire ?

Aujourd’hui, le professeur est toujours devant un tableau. C’est lui qui transmet la connaissance. Mais, à la maison les enfants sont dans une autonomie totale quand ils vont chercher une information ou de la connaissance avec une tablette. Et ça, vraiment, dès le plus jeune âge. Ils ont besoin d’être beaucoup plus impliqués. Ils ont besoin de faire. Et l’École n’arrive pas à intégrer cette nouvelle donne. Du coup, il y a un fossé entre ces deux mondes. Et c’est ce que montre l’étude PISA. L’étude Timms explique que 15% des enfants seulement arrivent à identifier la fraction 3/8. Par rapport aux autres nations européennes, c’est vraiment catastrophique.

Les maths ne sont pourtant pas une affaire d’inventivité. Il faut comprendre une leçon et appliquer une leçon, non ?

Et bien justement non (rires). Les mathématiques sont les sciences de ce qui nous entoure. Il y en a partout. Mieux, c’est une science expérimentale comme toutes les autres sciences. Sauf qu’aujourd’hui, on ne la rend pas expérimentale à l’école. C’est ce qui bloque les enfants. Si on n’arrive pas à relier les maths avec la vie, on n’arrivera jamais à les accrocher.

Qu’est-ce qui donne des résultats aujourd’hui ?

Même si ce n’est pas des choses nouvelles, toutes les pédagogies actives, ou plus communément appelées « Learning by Doing », donnent de bons résultats. On pense tout de suite aux écoles Montessori et aux méthodes Dewey aux États-Unis. Elles permettent d’impliquer l’enfant et surtout de parler à tous les types d’intelligence. Eux ont compris que certains enfants ont besoin de voir, d’autres d’entendre, de parler, de bouger. Ils ont bien plus besoin de construire ou de déconstruire.

C’est votre constat quand vous lancez Declic et des trucs ?

Oui complètement. Par expérimentation, on a vu qu’il n’y a pas beaucoup d’innovation dans le domaine des maths. Et pourtant, en agrégeant tout ce qui a été écrit sur ces sujets pédagogiques, nous arrivons avec nos petits moyens à avoir de très bons résultats. Au fur et à mesure de nos tests, de l’engouement que cela produisait chez les parents, on s’est dit : « y’a plus de doutes, on a notre place sur ce marché».

Que disent les enfants ?

Une fois sur deux, ils nous disent : « c’est pas des maths ça ! ». Alors que nous faisons des mathématiques à haut niveau. Comme on arrive à parler mathématique dans la vie réelle : comment partager un gâteau, des crayons de couleur, ils comprennent beaucoup mieux. C’est rattaché à ce qu’ils vivent tous les jours. Du coup, lors des interviews post-ateliers, les enfants nous disent avec un grand sourire : « on est très très content ! ». Et ce, pour une raison très simple, ils ont l’impression d’avoir réussi. Ils ne sont plus en échec. Pour nous, ce mot-là ne devrait même pas exister. Dans la vie, il n’y a pas d’échec, juste des marches plus ou moins hautes.

N’y a-t-il que les startups qui se posent des questions sur l’éducation ?

Heureusement que non ! Il y a plein d’associations qui s’activent depuis longtemps sur ces sujets. Le problème, c’est que personne ne se parle à l’intérieur de l’immense écosystème de l’éducation. On n’est pas connecté. Que ce soit les startups, les grands groupes, les associations et le public : tout le monde travaille un peu dans son coin.

Et l’Éducation nationale ?

L’Éducation nationale est très fermée. Il y a beaucoup d’affects. Tout le monde dit : « je ne vois pas pourquoi on veut changer. Pour moi, ça a marché, pourquoi ça ne marcherait pas pour mes enfants». Résultat, il y a un gros frein de toute la société civile sur ces changements de méthodes. Bon, il y a tout de même un vent nouveau qui souffle. Mais, je dois vous avouer que ce n’est pas facile tous les jours. (rire)

Comment l’Éducation nationale voit votre aventure ? Vous connaissent-ils au moins ?

Oui, ils nous connaissent. La dernière fois qu’on a vu la ministre, elle nous a dit : « ah je suis contente de vous avoir vu. Vous êtes toujours là ». Genre, c’est bien qu’il y ait des petits jeunes qui y croient. Ils nous prennent au sérieux, mais pas trop quand même. De toute façon, tant que la société civile n’aura pas envie de changer les méthodes, les différents ministres ne prendront jamais le risque.

Et personne ne vient vous voir ?

À rue de Grenelle, personne ne vient nous voir. En revanche, le Ministère de l’Enseignement supérieur a vraiment voulu s’ouvrir. On est souvent en contact avec eux. Thierry Mandon a voulu faire rencontrer tous ces mondes lors de la fête de la Science. Mais, plus personne ne veut faire d’études scientifiques. Il ne sait pas comment redonner de l’enthousiasme pour cette filière. Alors, il se dit qu’il faut bien traiter le problème à la source.

Vous suivez les élections comme tout le monde. Y’a-t-il un candidat qui, à vos yeux, a pris en compte cette évolution culturelle qui s’impose ?

C’est un des sujets qui va être au cœur des élections. Mais, aujourd’hui personne ne dit quelque chose de sensé. Seul Macron a évoqué une volonté de donner de l’autonomie à toutes les écoles qui souhaitent avoir un projet pédagogique différent. Mais, on ne sait pas du tout ce qu’il y a derrière. Après, tous les autres disent n’importe quoi. C’est comme s’ils n’avaient jamais lu une étude sur le sujet de la pédagogie.

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