Christophe Chauvin, tout pour la musique

Christophe Chauvin, tout pour la musique

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Prédestiné à la musique autant qu’à l’entrepreneuriat, Christophe Chauvin est tombé dedans quand il était petit. Aujourd’hui PDG de Woodbrass, poids lourd de la vente d’instruments de musique, il affiche un épicurisme 100 % musical.

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C’est à 6 ans que Christophe Chauvin a sa révélation. Sa vie gravitera autour de la musique. « J’ai commencé avec la flûte à bec, car mes parents n’avaient pas les moyens de m’acheter un piano. Après, je suis passé au hautbois et là, ça a été un véritable coup de foudre. » Depuis, cet instrument est chevillé au corps du président de Woodbrass.

Aujourd’hui à la tête d’un des plus gros vendeurs d’instruments de musique européen, Christophe Chauvin n’aurait sans doute pas pu faire carrière dans un autre secteur que celui de son cœur. Issu d’une famille de négociants et de petits commerçants, Christophe n’est pas un enfant scolaire. Il s’oriente dès la seconde vers un enseignement technique, car il a besoin de pragmatisme. Son éducation sera plus celle du terrain et celle des bancs de l’école.

De la photocopieuse aux instruments de musique

Il débute sa carrière de commercial en vendant des photocopieuses. Quittant un client à Marne-la-Vallée, il se retrouve face à Yamaha Music France et décide de pousser la porte. « J’y suis allé au bluff. Je suis rentré dans le hall d’accueil pour leur demander s’ils cherchaient quelqu’un. » Et là, bingo ! La multinationale est en quête d’un représentant spécialisé dans les instruments à vent. Un poste taillé pour Christophe, lui qui joue en harmonie depuis sa tendre enfance, a fait une école de commerce et son service militaire dans la musique.

Quinze jours plus tard, il rejoint Yamaha France pour une grosse année. « Rentrer chez le leader à 22 ans est une chance extraordinaire qui m’a permis d’avoir une vraie visibilité du marché et d’en connaître tous les chiffres ». Le job consiste à représenter la marque auprès du réseau de magasins de musique et à cultiver la relation avec les artistes en discutant avec eux des qualités acoustiques et ergonomiques des instruments afin de traduire leurs sentiments et ressentis aux ingénieurs pour faire du prototypage, ainsi qu’à cultiver la relation avec les artistes. « Ça me plaisait, mais j’avais fait le tour et il n’y avait pas de perspective d’évolution. Or, ce qui me plait depuis toujours, c’est être chef d’entreprise. »

Un entrepreneur qui orchestre son destin

Dès lors, Christophe enchaîne missions et voyages pour baliser ce qui deviendra quelques années plus tard un véritable empire commercial. Il passe par la PME Alto Musique, monte une première société baptisée Bois-Chaux et baroude aux quatre coins du globe pour vendre ses produits aux luthiers et autres spécialistes. Une rencontre décisive se profile : celle de Dennis Bamber, le fondateur de Woodwind & Brasswind, sur un salon professionnel à Frankfort, où Christophe sous-loue un petit mètre carré. « Il m’a passé la plus grosse commande qu’on n’ait jamais eue. Elle nous a permis de payer tous nos frais, nous qui étions partis en stop et logions en auberge de jeunesse. »

Sa fascination pour le personnage est telle qu’il se promet de venir le voir dans son antre à Chicago. Ce sera chose faite quelques années plus tard. « C’était le paradis. Il y avait un mur avec 50 tubas, soit ce qui se vend à l’année en France ! Cette boutique incroyable les avait en stock ; ça m’a fasciné », se remémore avec passion Christophe Chauvin. Dès lors, il ne rêve plus que d’une chose : faire de même outre-Atlantique. L’entrepreneur monte un dossier de 800 pages montrant l’intérêt du marché européen. « J’ai insisté et Dennis m’a permis d’ouvrir une succursale à Paris », reconnaît Christophe.

Un flair hors pair

Autre coup de maître : dans les années 90, le conservatoire national supérieur de musique de Paris quitte la rue de Madrid pour l’avenue Jean Jaurès, à deux pas de nombreuses salles de spectacle, du Zénith au Trabendo en passant par le Cabaret Sauvage. Mais les magasins historiquement placés rue de Rome, en voisin de l’institution avant son déménagement, n’ont pas bougé… à l’exception de la boutique de Christophe Chauvin.

L’audace paye, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’entrepreneur n’en manque pas : « Je n’avais pas grand-chose, mais tout ce que j’avais, je l’ai vendu ! Ma voiture, mon hautbois. C’était le pari et ça a très vite explosé. » En effet,Woodbrass devient n°1 en moins de deux ans. Un succès qui ne l’a plus quitté, puisque l’entreprise compte aujourd’hui une centaine de salariés et réalise 50 millions d’euros de chiffre d’affaires grâce à ses quelque 120 000 références.

Christophe Chauvin reconnait aussi la chance d’avoir été là au bon moment. « J’ai eu l’aubaine d’être aux prémices d’internet. (…) Je suis un vétéran du web, mais un vétéran qui s’update ! », ironise à peine celui qui essaye d’assister une fois par an aux BigBoss, mentore des entrepreneurs et s’est fait lui-même mentorer via l’IME.

Des idées plein la tête menées à la baguette

Pour lui, il s’agit de ne pas se reposer sur ses acquis : « La seule issue pour continuer à exister en tant que site spécialisé, c’est la différenciation. » Un serment que semble s’être fait le PDG de Woodbrass tant il multiplie les initiatives. Parmi elles, la création de sa propre école de musique. Ils sont en effet plus de 400 à venir apprendre à jouer dans la boutique grâce à une pédagogie basée sur le mimétisme et non sur l’assimilation scolaire du solfège.

« Et surtout, au bout de trois mois, nos élèves sont sur scène. Ils touchent la quintessence de la musique, à savoir l’émotion du partage avec d’autres musiciens devant un public. » Quant aux pros, ils ont rendez-vous dans le Woodbrass Deluxe, un showroom, vrai studio d’enregistrement privatisé au-dessus de la boutique, où sont même organisés des dîners exclusifs.

Autre bonne idée, la société noue des partenariats avec des revendeurs indépendants dans toute la France. Leur profil ? Des enseignes historiques en centre-ville qui ont le savoir-faire, sont imprégnées du tissu local, mais n’ont pas forcément vu venir Internet. Au nombre de 20 pour le moment, elles devraient être entre 40 et 50 d’ici à deux ans.

Dernière fierté de Woodbrass, la possibilité avec sa marque maison, Eagletone Custom, de personnaliser sa guitare « comme on peut le faire avec une voiture ou des accessoires de mode, s’enthousiaste son fondateur. D’ailleurs, le célèbre guitariste américain Popa Chubby a été séduit par notre concept. »

« Je n’ai pas de rêves de gosse, mais j’ai une vie de rêve »

Christophe Chauvin ne s’oublie pas pour autant. « À 50 ans, il faudrait avoir une Rolex selon certains. Je n’ai pas de montre et les Porsche, ce n’est pas mon truc non plus. Par contre, m’offrir un cor anglais de la marque que j’ai créée, c’est une forme d’aboutissement, reconnaît-il. Je n’ai pas de rêves de gosse, mais j’ai un peu une vie de rêve. Je voulais faire du commerce, je fais du commerce. J’aimais la musique, je suis dans la musique. »

Lorsqu’il n’est pas penché sur le quotidien de Woodbrass, le chef d’entreprise arpente les salles de concert, de l’opéra au Hellfest, de la messe du dimanche matin dans une église de Harlem à NTM. « Je n’écoute pas la musique au casque. Le live est irremplaçable et j’assiste à des concerts plusieurs fois par semaine », confirme l’entrepreneur.

Il n’hésite d’ailleurs pas à reprendre les propos de Duke Ellington. Pour ce dernier comme pour Christophe, « il n’existe que deux sortes de musiques : la bonne et la mauvaise ». Le musicien est radical : « Soit ça me touche, soit ça ne me touche pas. Ce n’est pas question de style, d’époque, de puissance. C’est de l’émotion. »

« J’avoue, je suis un peu monomaniaque ! »

Même en vacances, loin de Woodbrass, il rythme ses séjours en fonction de la musique. « Systématiquement, quand je visite une ville, je vais voir ses magasins de musique. Je ne peux pas m’en empêcher. Je me réserve au moins une après-midi. C’est, je crois, la seule chose que ne supportent plus ma femme et mes enfants ! »

Sa femme justement ? Elle est harpiste. Ses amis ? Ils sont tous sans exception musiciens. Ses enfants ? Son ainé est en BTS alternance à l’ITEMM, l’Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique, en ventes d’instruments de musique. Quant à sa fille de 13 ans, elle joue du hautbois d’amour avec lui chaque lundi soir, où ils sont dix-neuf à se retrouver pour répéter. En ce moment, en amateur de bons livres, il dévore Les conversations de Haruki Murakami et Seiji Ozawa. Son sujet ? La musique bien sûr !

Quant à notre rendez-vous, il s’achève comme il a commencé. Entre les platines et les tables de mixage, dans un studio d’enregistrement chez Native Intruments. Sous l’œil bienveillant de son ami, Patrick Jacquart, le nouveau DG de la société allemande, anciennement chargé du marché européen des guitares Fender, Christophe Chauvin est venu se familiariser au DJing. Au moment de nous dire au revoir, il le reconnaît lui-même : « J’avoue, je suis un peu monomaniaque ! »

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