Comment s’implanter aux États-Unis sans planter sa boîte

Comment s’implanter aux États-Unis sans planter sa boîte

On les connait par cœur ces américains. On connait leur cinéma, leurs séries, leur nourriture, leur langue, leur humour, leurs vêtements… Du coup s’implanter chez eux pour une entreprise, ça parait facile. Sauf que non. Bien au contraire. Pour ne pas planter son implantation aux US, petite revue des écueils et des bons plans avec Laurence Ruiz, expert-comptable chez Orbiss, cabinet spécialisé dans la question.

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Vous êtes spécialisée dans l’accompagnement des sociétés sur le territoire américain, pourquoi ce choix ?

En 2014, dix ans après le début de ma carrière, j’ai eu envie de changer de voie. Je me suis donc installée à New York avec mes trois enfants. En arrivant, je ne parlais pas très bien anglais, j’ai dû m’appuyer sur des connaissances techniques et professionnelles. Très vite, j’ai évolué auprès de cabinets d’expertise comptable spécialisés sur le secteur de niche des entreprises françaises qui s’exportent aux USA, et en 2019, j’ai lancé le cabinet Orbiss avec trois associés.

Quel rôle joue concrètement ce cabinet ?

Quand une société s’implante aux États-Unis, nous sommes présents quasi-quotidiennement les 18 premiers mois pour la guider, la conseiller et l’aider. Tout est mis en place pour que l’entreprise soit autonome. L’idée n’étant pas de faire à sa place mais d’être à ses côtés. Après la première année, l’équipe reste en soutien sur des questions plus techniques comptables et pour l’établissement des déclarations fiscales. L’objectif d’Orbiss est de mettre en place avec les clients des outils de gestion de la filiale américaine par le biais de reporting précis mensuel ou trimestriel. Le client connait donc la situation financière de la filiale, ce qui lui permet de prendre des meilleures décisions de gestion.

« Pour les start-ups, le marché américain représente un potentiel de financement quasi-illimité. »

Pourquoi les entreprises françaises ont intérêt à se lancer aux États-Unis ?

Le principal attrait pour les entreprises françaises est la taille du marché. 66 millions de Français, 327 millions d’américains, le calcul est rapidement fait. Les USA représentent un des plus importants marchés au monde, le potentiel de développement peut y être très important. Pour les start-ups, le marché américain représente également un potentiel de financement quasi-illimité.

On imagine les États-Unis comme l’eldorado du business, est ce que c’est le cas ?

Avec un peu de hauteur, les États-Unis sont un marché majoritairement auto-suffisant, avec une ouverture vers l’international très limitée. Il est plus facile de faire du business aux États-Unis quand on est américains.

La diversité du marché américain peut également apparaitre comme un frein. Les États-Unis représentent 17 fois la France. Il y a des différences culturelles, différences de climat et même parfois de langue. Le pays n’est pas un seul marché mais une multitude de petits marchés. En grossissant le trait, vouloir développer le business sur le marché américain dans sa globalité reviendrait à développer le business dans l’ensemble des pays européens en une seule fois.

« La différence culturelle est d’autant plus violente entre la France et les États-Unis qu’elle ne se voit pas. »

Le troisième frein que j’aimerais évoquer est la différence culturelle entre la France et les États-Unis. Quand on parle de la Chine, du Japon ou de l’Inde, pas d’équivoque possible, la différence culturelle est très facile à mesurer. Il ne viendrait pas à l’idée a un entrepreneur français de commencer à faire du business dans un de ces pays sans se faire aider et accompagner par un spécialiste.

Pour les États-Unis, c’est moins vrai, tous les entrepreneurs parlent plus ou moins bien anglais, les normes et règles ont l’air identiques, donc le marché parait plus facilement accessible. Mais après six ans passés ici, je n’ai aucun doute : la différence culturelle est d’autant plus violente entre la France et les États-Unis qu’elle ne se voit pas. On ne fait pas du business aux États-Unis de la même façon qu’en France. On ne gère pas une équipe aux États-Unis de la même façon qu’en France. Le marketing américain diffère du marketing français. Bref, mieux vaut être bien préparé et aidé.

Quelles sont les principales difficultés administratives et financières quand on se lance aux États-Unis ?

L’obtention d’une autorisation de travail sur le territoire américain est une étape complexe et pas toujours heureuse pour les étrangers. Les derniers changements notamment sur la durée de validité des visas de travail, le visa entrepreneur E2 par exemple est passe de 5 ans à 25 mois, n’ont pas amélioré la situation. L’équipe d’Orbiss coordonne avec un avocat spécialisé en immigration pour faciliter le process pour les clients.

L’investissement financier à réaliser est le dernier potentiel écueil, mais pas le moins important lors de l’arrivée sur le territoire américain. Nous savons en moyenne que les clients signent leur premier contrat clients 18 mois après leur arrivée sur le territoire. Cela signifie que dans la première année, l’entreprise doit prévoir un investissement égal au paiement des salaires, aux frais divers avocats/fiscalistes, marketing sans attendre aucun chiffre d’affaires. Cela peut représenter assez rapidement plus d’un million de dollars, et beaucoup plus si l’équipe américaine est déjà composée de plusieurs personnes.

Des conseils à donner pour ceux qui veulent quand même se lancer ?

Il est indispensable de bien définir sa stratégie avant de venir sur le territoire. Pour cela, il est important de se faire accompagner par des spécialistes marchés qui aideront l’entreprise à bien en comprendre les spécificités. Il y a plusieurs choix possibles pour appréhender le marché américain. Implémentation directe d’une structure américaine, s’appuyer sur un réseau distributeurs et importateurs, racheter une entreprise américaine, etc. Mieux vaut faire le bon choix au départ et le faire par étape.

Il ne faut pas dupliquer les clés du succès qui ont marché en France.

Être patient. Les États-Unis sont un marché compliqué et très diversifié. Il faut savoir prendre le temps de connaitre son environnement, connaitre ses clients. Les montants à investir sur le territoire américain avant un potentiel retour sur investissement, sont très importants. Beaucoup d’entrepreneurs français ont mal mesuré leur besoin en fond de roulement à leur arrivée. Ils sont alors contraints de tout stopper alors qu’avec une marge un peu plus grande, ils auraient réussi à percer.

Ne pas vouloir s’implanter à plusieurs endroits. Bien choisir son lieu d’implantation, par exemple New York, sécuriser l’endroit et se développer par la suite.

Ne pas vouloir dupliquer les clés du succès qui ont marché en France, savoir remettre en cause ses croyances et se laisser surprendre.

Quels sont les bons réflexes à avoir au moment de s’implanter outre-Atlantique ?

Pour les entreprises françaises qui souhaitent constituer leur propre équipe sur le territoire américain, il est fortement recommandé qu’un fondateur ou tout du moins qu’un salarié français (avec une forte connaissance de la culture de l’entreprise) prenne la direction de l’équipe. Il sera au quotidien avec les équipes américaines et sera à même de comprendre et analyser les problèmes remontés sur le terrain. Il sera le pont entre les deux entités du groupe et facilitera les échanges avec les équipes de chaque côté de l’océan.

Le recrutement d’une personne senior américaine avec une bonne connaissance du marché et de l’industrie est aussi à mettre dans un prévisionnel.  Il sera à même d’ouvrir les portes des premiers prospects et d’amener les premiers leads. Il faut aussi voir un fond de roulement qui permette de tenir deux ans sans aucune rentrée de chiffre d’affaires. Cela permet la patience et la sérénité nécessaire à la connaissance de ce marché.

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