Le CV anonyme, la fausse bonne idée

Le CV anonyme, la fausse bonne idée

Que faire face à la discrimination à l’embauche ? Cacher son nom sur son CV ? Selon Dan Guez, cofondateur du groupe OpenSourcing, ce n’est pas la solution. Mais il en existe d’autres.

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On a plus de chance d’être embauché quand on s’appelle Pierre, que quand on s’appelle Mohamed. C’est ce que révèle une étude dévoilée début février 2020 par le gouvernement. Selon ce rapport, les candidats avec un nom d’origine maghrébine ont 25 % de chances en moins de recevoir une réponse lors d’une candidature. Et si le CV anonyme était la solution ? Fausse bonne idée selon Dan Guez, spécialiste du recrutement et cofondateur du groupe OpenSourcing.

Le CV anonyme, ce n’est pas la bonne solution pour éviter la discrimination ?

 Le CV anonyme permet à n’importe quel candidat de postuler et de bénéficier d’une étude objective de sa candidature en se basant sur son profil. Cette pratique permet donc d’obtenir un premier entretien avec une entreprise, très souvent téléphonique. Mais si une personne souhaite réellement discriminer un candidat sur ses origines, il le fera à un moment ou un autre du processus. Que ce soit sur CV ou en personne. Donc, est-ce une solution pour éviter la discrimination ? Je ne le pense pas.

Alors le CV anonyme est une fausse-bonne idée ?

 Selon moi, oui. Je pense qu’avec le Curriculum Vitae anonyme, on part du principe que les recruteurs discriminent uniquement sur les noms des candidats. Alors qu’il existe plein d’autres formes de discrimination basées sur l’âge, le genre, les diplômes, et j’en passe…

Est-ce que le CV ne serait pas devenu tout simplement has-been ?

J’aime dire que le CV est comparable à une photo de notre parcours que l’on passe sur photoshop. Nous faisons en sorte qu’elle soit la plus belle possible, et c’est normal ! C’est le premier document qu’un recruteur va lire. Et c’est après l’avoir parcouru qu’il décidera de vous contacter, ou non. Mais je pense que le CV a perdu un peu de sa substance et que d’autres solutions peuvent compléter une candidature.

 Quelles sont-elles ?

Les recruteurs peuvent utiliser plusieurs options afin d’obtenir un dossier de candidature objectif :

Première solution, les algorithmes de présélection. L’idée est de “matcher” les candidats en fonction du profil type dessiné par le recruteur. On pose des questions aux postulants sur leurs souhaits et attentes afin de “scorer” avec les attentes de l’employeur. Tout cela avec une distance émotionnelle offrant de l’objectivité. Ainsi, le recruteur peut contacter des candidats en priorisant les dossiers correspondants le plus à leurs recherches. Ces algorithmes apportent une certaine forme de neutralité à la présélection.

Deuxième solution : la gamification et la réalité virtuelle. Le but de cette technique est d’évaluer le savoir-faire des candidats au moyen d’applications ludiques. Ces outils offrent des analyses comportementales poussées et renforcent la marque employeur.

Si un candidat présente un profil quasi-idéal, peu importe son nom, le recruteur voudra le rencontrer.

Troisième solution : les tests de recrutements. Ce sont des outils puissants qui ont pour objectif de “tester” le candidat sur ses capacités de raisonnements, sa personnalité ou encore sur ses connaissances techniques ou linguistiques.

Et enfin, les soft-skills, c’est-à-dire les compétences naturelles des candidats. On parle ici d’adaptabilité, d’agilité, d’esprit d’équipe, de rigueur, d’organisation, d’empathie… Il faut savoir que les recruteurs sont de plus en plus friands de soft-skills plutôt que de hard-skills.

Au final, tous ces outils donnent une véritable photographie du profil du candidat. Et j’ai l’espoir que si un candidat présente un profil quasi-idéal, peu importe son nom, le recruteur voudra le rencontrer. Mais attention, ces outils sont onéreux et demandent une certaine expertise, c’est pour cela que de nombreuses entreprises se font accompagner dans leur présélection.

 Selon vous, quel est l’avenir du recrutement ?

L’avenir du recrutement passe forcément par le digital. Il nous offre de nombreuses perspectives. Or, le recrutement se complexifie car le recruteur doit aussi apprendre à mettre du digital dans toutes ses tâches. Les algorithmes, la vidéo, la programmatique ou encore l’approche marketing et commerciale du recrutement sont de véritables tendances de fond pour les années à venir.

 

*Etude menée  par l’Université Paris-Est-Marne-La-Vallée auprès de 40 entreprises entre novembre 2018 et janvier 2019 en France. Les candidatures et demandes d’informations – fictives – étaient adressées par paire aux entreprises. Une candidature avec un patronyme maghrébin, dans l’autre un patronyme d’origine française.

 

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