Le bore-out, ce fléau qui guette les entreprises

Le bore-out, ce fléau qui guette les entreprises

Début juin 2020, la cour d’appel de Paris reconnaissait pour la première fois un cas de bore-out. Le plaignant, un ancien salarié de la société Interparfums, a été dédommagé à hauteur de 50 000 euros. Comme pour le burn-out, cette décision judiciaire devrait déclencher une prise de conscience collective en France. Décryptage, avec le docteur François Baumann, auteur du livre « Le Bore-out, quand l’ennui au travail rend malade ».

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Si le burn-out est bien connu en France, le bore-out reste plus confidentiel pour l’instant. Qu’est-ce que c’est ?

François Baumann : Le bore-out est un épuisement intellectuel et psychique dû à l’ennui. C’est l’inverse du burn-out, qui est un épuisement dû à un excès de travail. Le bore-out est une approche nouvelle de la dépression et du stress. Et cela peut même aller au-delà du monde du travail : on parle par exemple de burn-out parental.

Quels sont les symptômes du bore-out ?

FB : Même si les causes sont opposées (l’ennui d’un côté, le surmenage de l’autre), les symptômes du bore-out sont les mêmes que ceux du burn-out. L’ennui et le stress donnent un état dépressif avec une lassitude générale, une fatigue intense, un manque de concentration, des crises de larmes et des insomnies. Dans le cas de cet employé d’Interparfums, cela est même allé jusqu’à la somatisation (quand un problème psychique devient physique) avec des crises d’épilepsie. Mais je reste réservé sur ce dernier point

« L’ennui lié au bore-out est considéré comme honteux. »

Le bore-out peut-il se soigner ?

FB : Bien sûr ! Quand il y a une vraie dépression, il faut soigner par des entretiens, des prises de conscience de type psychothérapique et des thérapies. Pour sortir de l’impasse, on peut aussi prescrire des anti-dépresseurs à petite dose.

Contrairement au burn-out, le bore-out reste très tabou. Comment cela s’explique-t-il ?

FB : Le burn-out est presque devenu une sorte d’étendard aujourd’hui. Les gens disent facilement qu’ils sont en surmenage au travail, cela garde une connotation positive. Quand on entend burn-out, on comprend : « je suis un gros travailleur, et j’ai craqué ». D’un autre côté, l’ennui lié au bore-out est considéré comme honteux. Alors que quelqu’un de vraiment mis au placard peut souffrir énormément.

« Cette reconnaissance judiciaire peut engendrer une prise de conscience collective sur le bore-out. »

Quel est le rôle de l’entreprise dans le bore-out ?

FB : Dans certains cas, la mis au placard d’un employé est volontaire, dans le but de le faire craquer. Les membres de l’entreprise ont pour instructions de ne pas rentrer en relation avec lui. Alors que la relation humaine est aussi vitale que boire et manger, on s’en rend bien compte maintenant. Certains sont donc les victimes d’un management pervers pour les faire craquer ou démissionner. Mais il y a aussi des gens qui ont peu de ressources en eux-mêmes pour se sortir d’une situation d’ennui. Les deux sont possibles.

Le fait que la justice française reconnaisse un cas pour la première fois va-t-il faire exploser le nombre de bore-out ? Les gens n’auront plus peur d’en parler ?

FB : Cette reconnaissance judiciaire peut engendrer une prise de conscience collective sur le bore-out. Cela donne une recevabilité à la plainte des gens. C’est une image positive pour la personne souffrante, c’est important psychologiquement. Le processus de reconnaissance a été similaire pour le burn-out. On peut donc prédire au bore-out le même destin ravageur que le burn-out dans nos sociétés.

Après le burn-out et le bore-out, on entend parler d’un nouveau terme. Le brown-out. Pouvez-vous nous en dire plus ?

FB : L’expression anglaise brown-out s’inspire de la perte de puissance d’appareil ménager. Adapter au monde du travail, elle désigne un désengagement, une démotivation, une perte de sens du salarié. On se réveille un matin en se demandant le sens de son travail, son intérêt. Ce phénomène est fréquent chez tous ceux qui ont un « bullshit job ». Encore une fois, les symptômes sont les mêmes : lassitude, fatigue et dépression.

1 commentaire

en ce qui concerne le bore-out, sous-charger abusivement le salarié, quantitativement et/ou qualitativement (déqualifier son poste), peut etre considéré comme du harcèlement moral qui consiste à isoler le salarié , souvent exprès pour obtenir une démission sans avoir à payer des indemnités de licenciement ! : La prévention du harcèlement moral au travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-du-harcelement-moral-au-travail

Par charles, le 02 mai 2021

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