Avec plus de 45 entreprises sauvées, Arnaud Marion, fondateur de l’Institut des Hautes Etudes en Gestion de Crise (IHEGC), met à profit son savoir pour aider les sociétés à survivre à la crise actuelle. A travers son webinaire, il livre les clefs pour mener à bien sa sortie de crise.
Arnaud Marion est celui que les entreprises appellent en cas de crise. Avec plus de 45 sociétés redressées, dont Velib’ ou encore Salle Pleyel, il a décidé de mettre à profit son savoir afin d’aider les dirigeants à traverser la situation actuelle. « Cette crise est inédite et place les entreprises et leurs dirigeants face à 4 difficultés » prévient Arnaud Marion au début de son webinaire du 19 mars dernier.
La première est la gestion de l’urgence, qui implique par exemple de décliner les mesures gouvernementales telles que la mise en place du télétravail. Vient ensuite la gestion de la crise qui nécessite de mesurer ses implications à l’aune de son secteur d’activité, tout en assurant la continuité de l’activité courante « le run ». Enfin, c’est la préparation de l’avenir, « le build », qui doit s’envisager tout de suite, sans attendre « les difficultés, aussi graves soient-elles, ne doivent pas faire oublier de préparer dès maintenant la sortie de crise » souligne Arnaud Marion.
Informer et garder le lien social
Le spécialiste de la gestion de crise alerte sur les risques d’une dichotomie entre les salariés et fait le pari d’un taux d’absentéisme non normatif « les collaborateurs auront du mal à passer d’une situation où ils ne travaillent pas à un rythme de travail normal. De plus, Il faut arriver à mobiliser tout le monde pour ne pas créer un fossé entre une minorité sur le pont et une majorité en confinement et isolée».
Pour cela, trois actions sont essentielles : animer, communiquer et surtout informer. « C’est ce qui va permettre de garder vivant un corps social, en alerte et prêt pour la suite, sans l’angoisse face au vide et à l’absence de discours. » confie Arnaud Marion.
Il ne s’agit pas là forcément que de rassurer « le but est de ne pas cacher les difficultés mais préparer la suite et dire ce qu’on fait, voilà comme le dirigeant peut espérer garder ses forces vives et ses talents. L’avenir de son entreprise dépendra de sa capacité à communiquer régulièrement avec ses équipes, notamment les forces de vente ». En effet, garder le lien social est essentiel à la motivation des équipes, celles qui ne peuvent poursuivre leur activité doivent garder le lien à travers une communication permanente avec les équipes et les représentants du personnel.
Cette gouvernance particulière implique le recours à des outils collaboratifs adaptés comme whatsApp, Zoom ou autres plateformes facilement accessibles « Plusieurs comités de direction communiquent désormais à travers des boucles whatsApp » raconte Arnaud Marion avant d’ajouter « c’est également à travers ses outils que la cellule de crise se met en place ».
Mettre en place une cellule de crise
« C’est dès aujourd’hui qu’il faut organiser la résistance parce que nous sommes en guerre. Il faut pour cela mettre en place une cellule de crise à laquelle tout le monde doit contribuer. Elle doit davantage faire appel à la compétence et l’expertise des personnes plutôt qu’à leur statut hiérarchique » affirme Arnaud Marion. Le dispositif sera en charge le suivi du plan de continuité d’activité (PCA), s’il existe. Et qui est à construire d’urgence dans le cas contraire !
Il s’agira aussi de bien prioriser les urgences et évaluer les pertes futures. Mais Arnaud Marion alerte sur la tentation du cost killing « il faudra lutter contre la tentation de détruire de la valeur en faisant des coupes sombres un peu trop vite, en utilisant la facilité ou des effets d’aubaine, comme de ne pas payer ses dettes et ses fournisseurs. Le jeu des égoïsmes peut très vite créer un effet dominos en créant une chaîne de défaut et de défiance »
De même, il faudra faire face à un retour au travail qui risque d’être perturbé par l’expérience du maintien chez soi surtout si elle se prolonge. L’arrivée de l’été et la gestion des congés risquent aussi de retarder la reprise. « Redémarrer après un arrêt est complexe et nécessite d’anticiper. Il va falloir ainsi simuler correctement la reprise d’activité en matière financière : faire des prévisions réalistes, en lien avec vos propres fournisseurs, revoir votre chaîne logistique. Pour cela, il est indispensable de s’entourer de sachants internes et externes : avocats, cabinets de conseil …qui peuvent jouer un rôle majeur dans l’efficacité de la cellule de crise. A différencier de la cellule stratégique » prévient Arnaud Marion.
Créer une cellule stratégique pour réfléchir au monde d’après
Elle a vocation à préparer l’avenir à l’aune des enseignements actuels « il s’agira à la fois de préparer la sortie de crise immédiate avec un plan de marche reposant sur différentes hypothèses et scénarios mais aussi de reformuler sa mission, de revisiter sa chaîne de valeur (internalisation des savoir-faire, expérience clients, transformation digitale, outils collaboratifs, IA, robotisation…) Elle implique pour les managers de mobiliser ses équipes pour réfléchir sur le monde d’après. Cela signifie de la part des dirigeants d’écouter ». Pour Arnaud Marion, Les chefs d’entreprise vont devoir se réinventer avec l’IA, UX et d’autres moyens qui peuvent être mis à disposition. Mais la tendance sera surtout de réfléchir plus intelligemment à la relocalisation et à la maîtrise de sa propre chaîne de valeur. Les entreprises vont devoir engager leur transformation en prenant en compte les enjeux climatiques, de biodiversité, de peuplement de la terre, de la fin des énergies fossiles.
La RSE élément centrale de la transformation
Selon Arnaud Marion « la crise accélère le changement des mentalités et les prises de conscience. Tout le monde s’accorde à penser que demain ne sera plus comme avant. C’est pourquoi il faut repenser sa relation au monde, aux autres, à la production, au territoire ». Un changement de paradigme dont la RSE représente la clé de voûte. « La RSE va devenir centrale dans la reconstruction, notamment pour les plus jeunes entreprises. Il faut instaurer des valeurs au sein de votre société sinon vous ne vous en sortirez pas. La génération Z, celle née en 1997, est en train d’arriver dans le monde de l’entreprise. Elle est attente de sens et de valeurs. Et va vous malmener sur ces sujets-là » Pour les entreprises qui le peuvent, le développement d’activités « for good » ou pro bono est une source de vitalité et de sens dans le partage de produits ou d’expertise. Dernier exemple en date : LVMH qui fabrique gracieusement du gel hydroalcoolique pour les hôpitaux.
« Ceux qui se trouvent confrontés à une décroissance de leur activité tentent sans cesse de se prouver à eux-mêmes et de se convaincre que cela va revenir comme avant. Mais ce n’est pas le cas. Les entreprises qui s’en sortiront le mieux seront celles qui auront compris que le monde de demain sera différent du monde d’aujourd’hui. » conclut Arnaud Marion.