Faut-il repenser la santé comme une entreprise ?

Faut-il repenser la santé comme une entreprise ?

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Dans son ouvrage  « Crise sanitaire : pourquoi il faut presque tout changer », François Pelen appelle à repenser la santé comme une entreprise. Selon, lui le virus a révélé nos failles, il faut des médecins-entrepreneurs au fait des technologies nouvelles et autres intelligences artificielles pour mieux répondre aux besoins des patients. Interview.

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Pourquoi faut-il repenser le modèle de la médecine actuelle ?

François Pelen : Les médecins de ville restent à ce jour pour beaucoup dans un exercice traditionnel, isolé, chacun dans son cabinet. La pandémie actuelle a montré les faiblesses de cette organisation : les médecins libéraux, trop éparpillés, n’ont participé qu’à la marge à la prise en charge des patients, ce qui est dommage. L’avènement des nouvelles technologies, de l’Intelligence Artificielle (IA), des machines, de l’électronique font qu’un médecin seul ne peut plus disposer de tout l’équipement nécessaire ; il a donc besoin de se réunir avec d’autres professionnels de santé, de constituer une équipe et de manager cette équipe.

De plus, le patient, avec internet et le digital, a beaucoup changé et le médecin doit s’habituer à avoir face à lui un consommateur de soins.

Quels sont les principaux chantiers selon vous ?

F.P : Le regroupement des médecins, que ce soit en entreprises médicales, en maisons de santé ou toute autre structure partagée est en cours, mais il y a encore beaucoup de travail pour y arriver.

Il faut également organiser la collaboration entre professions de santé : le médecin, dont le temps est la valeur rare, doit se consacrer uniquement à la matière médicale, déléguer toute la partie technique de son activité à des paramédicaux et confier l’administratif à des personnes habilitées à le faire (groupements d’intérêt économique, cadres administratifs…)

La question de la disparité géographique doit être traitée au plus vite, en particulier par des postes avancés et la téléconsultation couplée à l’IA afin d’assurer la même qualité des soins sur tout le territoire.

Un mot de l’hôpital : on a vu, lors de la crise actuelle que les administratifs y avaient pris trop de pouvoir, au détriment de l’avis du corps médical. Il faut rééquilibrer cette relation.

Vous parlez du « médecin manager » dans votre ouvrage. Pour quelles raisons pensez-vous que la médecine doit-être gérée comme une entreprise ?

F.P : Le fait que les médecins se regroupent, travaillent avec des administratifs, des informaticiens, des paramédicaux signifie qu’il travaille au sein d’une entreprise médicale qu’il doit animer. Or, pendant 12 ans d’étude, il n’a pas un cours de management, pas une heure pour apprendre comment investir, diriger une structure. C’est pourquoi je prône l’enseignement du management pendant les études médicales : pas besoin de prévoir un programme digne d’une école de commerce mais 100 ou 200 heures de cours de management doivent pouvoir se trouver, étalées sur plus de 10 ans !

Vous parlez d’impliquer les connaissances du patient dans le processus de consultation, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

F.P : Ce sujet est passionnant et j’ai eu l’occasion d’y travailler il y a une dizaine d’année. Tout d’abord, si vous réunissez un millier de patients ayant la même maladie, le diabète par exemple, et que vous interrogez ce groupe, il en sait autant que les plus grands spécialistes dans le domaine, d’où l’intérêt pour les patients souffrant de pathologies chroniques, de se regrouper en associations de patients.

Par ailleurs, comme par exemple dans les maladies rhumatismales, des « patients experts » sont d’excellents professeurs pour apprendre à des étudiants en médecine à se former à palper un malade pour faire leur diagnostic.

Enfin, le patient d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui des années 70 qui n’avait que le Larousse Médical pour s’informer : maintenant, il se renseigne sur ses troubles sur internet, même si il a du mal à faire le tri entre le vrai et le faux, il s’informe sur son médecin, va sur son site, regarde les notes, les commentaires, il prend RDV sur internet, il arrive devant son médecin avec une liste de questions précises, se méfie des traitements et challenge son médecin…

Vous dites que la télémédecine est l’une des réponses clés aux problèmes qui se posent actuellement en matière de santé publique. Ne pensez-vous pas que l’on manque encore de technologie adaptée à ce nouveau mode de consultation ?

F.P : La technologie est là et l’élément freinateur est plus le changement des mentalités. La crise actuelle de la Covid-19 a montré ce que ce que la téléconsultation pouvait apporter. Même s’il y a eu un certain reflux après la première vague. Les craintes s’estompent et la télémédecine est rentrée dans les habitudes.

Chez Point Vision, en ophtalmologie, il y a des mesures et des machines : c’est pour cela que notre projet pour 2021 est de coupler les mesures dans un poste avancé, avec un paramédical et une téléconsultation avec un ophtalmologiste à distance.

Que va permettre la démocratisation de cette pratique ?

F.P : La première chose est de mieux couvrir les besoins de la population sur l’intégralité du territoire et pas seulement dans les grandes villes.

De plus, couplée avec l’IA, la qualité des soins ne sera pas dégradée et même probablement augmentée.

Et qu’en est-il de l’importance du contact humain ? 

F.P : C’est la question la plus importante : l’entreprise médicale, la technologie. L’IA va permettre au médecin de gagner du temps qu’il pourra consacrer à ses patients.

C’est cela que veut dire le titre de mon livre « Crise sanitaire, il faut presque tout changer ». Hier, aujourd’hui ou demain, il y a une chose qu’il ne faut pas changer. C’est la relation patient-médecin, pour laquelle nous faisons ce métier avec passion.

 

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