« Nous avons 10 ans pour faire un choix entre une I.A consumériste et une I.A différente. » Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft

« Nous avons 10 ans pour faire un choix entre une I.A consumériste et une I.A différente. » Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft

Véritable encyclopédie vivante du cinéma et expert de l’intelligence artificielle, Alexandre Pachulski est aussi un entrepreneur accompli puisqu’il est cofondateur de la PME spécialisée dans la gestion du capital humain Talentsoft. Dans son dernier ouvrage, Génération I.A, il relie ses deux passions que sont le grand écran et l’intelligence artificielle. De Blad Runner à Un jour sans fin, il revisite des classiques du cinéma pour passer un message crucial : il n’est pas trop tard pour bien faire.

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Comment est né ce livre, Génération I.A ?

Alexandre Pachulski : Avec ce livre, je boucle la boucle de mon parcours qui a toujours oscillé entre ma passion pour le cinéma et ma fascination pour l’intelligence artificielle. J’ai toujours cherché à comprendre comment on fonctionnait, comment on prenait nos décisions, après quoi on courait, qu’est-ce qui nous définit en tant qu’humain… Et quand j’ai découvert l’I.A, j’ai vite décidé de me pencher sur une branche très spécifique qui s’appelle l’ingénierie des connaissances dont le but est d’encapsuler de la connaissance d’experts dans des machines.

Alexandre Pachulski

Dans l’imaginaire collectif les humains et l’I.A sont diamétralement opposés, qu’en pensez- vous ?

Alexandre Pachulski : Je ne suis pas du tout d’accord avec cela. Aujourd’hui, la technologie sert à vous pousser à consommer des produits pour que vous dépensiez toujours plus d’argent. Mais on peut utiliser l’I.A d’autre façon. Selon Bernard Stiegler, la technologie pourrait au contraire »réhumaniser » les relations de travail si les données collectées sont utilisées pour comprendre les centres d’intérêt de quelqu’un, ses compétences et son potentiel en corrélant toutes ces informations pour pousser cette personne vers des opportunités qui ont du sens, vers un travail qui lui plaise vraiment, vers des mentors. La technologie n’est qu’un outil et on peut la transformer en instrument pour faire le bien. 

« La technologie n’est qu’un outil qu’on peut transformer en instrument pour faire le bien.« 

Qui est cette « Génération I.A » à laquelle vous faites référence dans le titre de votre livre ?

Alexandre Pachulski : En toute rigueur j’aurais dû mettre un ‘s’ à ‘génération’ puisque je pense que l’I.A va influencer de nombreuses générations. En l’occurrence, la génération I.A dont je parle, c’est nous. D’ailleurs, je crois plus aux époques qu’aux générations. On peut vivre dans la même époque, être confrontés aux mêmes choses, sans être de la même génération. L’I.A, qui est partout dans nos vies, a un impact sur nos centres d’intérêts, nos croyances, nos convictions et donc sur nos actions. Et tout cela, pour l’instant, dans une perspective consumériste.

La génération I.A à laquelle j’aspire, c’est une génération qui renvoie finalement à ce qu’est le bonheur. Et si on est davantage dans l’expérience que dans la consommation, davantage dans l’idée de construire des liens nouveaux plus épanouissants plutôt que de consommer des relations, je pense qu’on peut avoir une I.A humaniste. On me dit souvent « ce n’est qu’un algorithme ».  Je ne dis pas que c’est autre chose, mais un algorithme, on peut lui faire faire plein de choses. Encore ce week-end, il y a un algorithme qui a permis de faire une avancée majeure dans la recherche sur l’ADN là où il faudrait encore des années et des années pour des chercheurs.

Donc l’I.A, c’est une technologie qui va nous permettre de convoquer un certain nombre de buts. Si le but recherché est de bâtir une société dans laquelle les gens sont plus épanouis parce qu’ils sont plus alignés avec qui ils sont et ce qu’ils ont envie de faire, c’est une bonne chose. La génération I.A, c’est une génération où la technologie permet à chacun de trouver sa place dans la société. Je ne dis pas que c’est le cas aujourd’hui, mais ce livre veut justement nous aider à atteindre ce but.

« L’I.A la plus intéressante ne nous est pas destinée. »

Justement, quel est l’impact concret de l’IA dans nos vies ?

Alexandre Pachulski : Clairement, il y a un millier de métiers qui sont liés à l’I.A aujourd’hui. Cela va de la réparation d’ascenseurs, à la maintenance prédictive, en passant par les services qu’on peut vous proposer dans une banque ou quand vous commandez un billet de train sur internet… Tout cela, aujourd’hui, c’est l’I.A. Il y a aussi une grosse part sur les médias sociaux : les contacts, les posts et les vidéos qu’on vous pousse, les films qu’on vous propose sur Netflix ou les musiques sur Spotify… tout cela se fait avec un type d’algorithme qu’on appelle l’intelligence artificielle. Ce n’est pas ultra poussé, l’I.A la plus intéressante ne nous est pas destinée, elle est pour le milieu médical.

Quel message vous voulez faire passer avec ce livre ?

Alexandre Pachulski : Ce que je veux dire, c’est que nous avons 10 ans devant nous pour faire un choix entre une IA consumériste et une IA plutôt singulière. Il faut garder à l’esprit qu’avant de parler de technologie, il faut d’abord définir un projet de société puisque la technologie n’est là que pour nous aider à l’atteindre. Le projet de la société aujourd’hui se tourne vers l’hyperconsommation. Nous ne sommes pas dans une société de l’être, pas dans une société spirituelle.

« La technologie peut nous aider à construire une société moins matérielle. »

J’ai écrit ce livre parce que, selon moi, la technologie peut nous aider à construire une société moins matérielle en nous aidant, avec une vertu éducative, à nous trouver, à nous supporter dans nos projets, voire, pourquoi pas, à créer de la richesse, mais une richesse qui serait davantage redistribuée dans la vraie économie du partage. Faire en sorte que finalement, le but premier de la société soit l’épanouissement des individus et établir des relations harmonieuses dans le respect du vivant.

Ce livre, je l’ai écrit pour rappeler à tous que l’I.A peut être humaniste. Qu’il faut que nous nous en emparions car avec cette intelligence artificielle, nous allons construire le monde de demain. Avec ce livre, je veux donner envie aux lecteurs de s’intéresser à ce sujet.

Pouvez-nous donner des exemple de films que vous citez dans votre livre et ce qu’on apprend sur l’I.A à travers eux ?

Alexandre Pachulski : L’esprit de ce livre est de prendre des films qui parlent de l’I.A (et d’autres pas directement) pour en expliquer le fonctionnement et mettre en avant les questions qu’elle soulève.

 On dit souvent que la créativité est réservée aux seuls humains. Dans Génération I.A, j’ai aimé prendre des exemples d’I.A qui peuvent créer et aimer. Je me suis posé la question : « Mais c’est quoi aimer ? ». Si aimer c’est aller sur Tinder en complétant des critères comme on choisit un appartement ou une voiture et après tomber amoureux, c’est ce qui arrive dans le film Her. Joachim Phoenix tombe amoureux de Scarlett Johansson, qui est une intelligence artificielle qui lui renvoie ses propres projections. Il finit donc par tomber amoureux de lui-même. C’est éventualité peut se réaliser dans la vraie vie.

Blade Runner aborde aussi un thème très intéressant. Une IA. (Rachel, qui est une replicant) ignore qu’elle est une intelligence artificielle. Cette I.A possède pourtant des souvenirs de son enfance. Mais ces souvenirs sont des mémoires de la nièce du créateur de cette replicant.

« Dans Un jour sans fin, on comprend comment fonctionne le machine learning. »

Je prends aussi des films comme Gattaca qui pose un vrai sujet de société. Avec toutes nos normes et nos critères concernant les relations humaines, l’emploi, etc., on risque de se rapprocher d’une société comme Gattaca pour finir dans le monde totalitariste de 1984.

Dans un registre plus drôle, j’évoque aussi Un jour sans fin avec Bill Murray. Je prends ce long métrage pour expliquer comment on éduque une I.A avec le machine learning. En l’occurrence, l’apprentissage par renforcement quand une machine essaie encore et encore et apprend de ses erreurs pour trouver la bonne combinaison. Dans Un jour sans fin, il y a une séquence très drôle où Bill Murray tente de séduire Andy Macdowel encore et encore jusqu’à ce qu’il réussisse. C’était tout simplement de l’apprentissage par renforcement.

Je me suis aussi amusé en prenant comme exemple Karaté Kid pour expliquer comment l’IA peut avoir une relation de mentor et prodiguer des conseils grâce aux connaissances qu’elle a de nous.

Selon vous, faut-il avoir peur de l’IA ?

Alexandre Pachulski : On peut en avoir peur si on poursuit sur notre chemin vers l’ultra consumérisme. Mais je pense qu’il n’est pas trop tard, nous pouvons encore agir maintenant, mais il y a urgence. Il faut que nous mettions l’humain en premier. Pour qu’il soit à sa place et épanoui en faisant quelque chose qui lui correspond. C’est à l’I.A de s’adapter et de faire ce qui ne correspond pas à l’humain.

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