Les six mois de la Présidence française du Conseil de l’UE s’achèvent. Quel bilan peut-on faire ?

Les six mois de la Présidence française du Conseil de l’UE s’achèvent. Quel bilan peut-on faire ?

Publié le 4 juillet 2022

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Le 1er janvier dernier la France prenait la présidence tournante du Conseil de l’UE pour six mois. Aujourd’hui, cette présidence s’achève et laisse un souvenir en demi-teinte. Si les priorités et les objectifs de la France ont, pour parties, été réalisés, cette séquence reste marquée par des évènements qui sont venus bouleverser le programme de la Présidence : la crise sanitaire dont nous subissons encore les conséquences ; les élections présidentielles qui ont chamboulé le calendrier ; et bien sur la guerre en Ukraine qui s’est déclarée le 24 février dernier et qui a entrainé avec elle des effets en cascade (inflation, augmentation des prix des matières premières, insécurité énergétique du continent, insécurité alimentaire mondiale, etc.).

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La présidence française a donc une nouvelle fois été marquée par les crises, comme ce fut déjà le cas en 2008 sous Nicolas Sarkozy. Rappelons-nous, la France était alors confrontée aux oppositions de plusieurs États membres relatives à la ratification du Traité de Lisbonne : en juin 2008, soit quelques semaines avant la présidence française, l’Irlande rejette le traité par référendum. Par ailleurs, la crise des sub-primes aux États-Unis continuent de s’aggraver et la pression sur l’Europe s’intensifie. Enfin, dès le deuxième mois d’exercice de la présidence de la France, la Géorgie déclare la guerre à l’Ossétie du Sud, soutenue par la Russie. Les similitudes sont donc frappantes, à ceci près que, dans le cas de la présidence de Nicolas Sarkozy, il était au début de son quinquennat, alors que dans le cas d’Emmanuel Macron, la présidence du Conseil de l’UE est intervenue pendant les élections présidentielles et législatives.

La France est donc habituée à gouverner en temps de crise. Et c’est tant mieux car 2022 n’a pas été en reste ! Et pourtant, la présidence française est parvenue à réaliser une partie des objectifs qu’elle s’était fixée. Par exemple, la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, la « taxe carbone » européenne, qui vise à imposer un surcoût aux marchandises étrangères qui ne respectent pas les normes européennes, notamment en matière d’émission de gaz à effet de serre. Les ministres des Finances européens ont trouvé un accord sur ce texte en mars dernier. Il y a aussi l’instrument de réciprocité dans l’accès au marché européen que la France est parvenue à concrétiser, après plus 10 ans de négociation. Ici, l’objectif est de limiter l’accès aux appels d’offres européens pour les entreprises issues de pays non-membres de l’UE et qui n’offrent pas des conditions similaires ou réciproques d’accès à leurs marchés (c’est notamment la Chine qui est visée par ce texte). Et puis, sur le volet numérique aussi, la France a réussi à faire aboutir deux règlements importants : celui sur les marchés numériques (le Digital Market Act) qui s’appliquera dès octobre, et celui sur les services numériques (le Digital Service Act).

Dans le domaine de la coopération avec l’Afrique, un Sommet a été organisé en février dernier pour redéfinir les termes du partenariat avec les pays de l’Union africaine. Si rien de spectaculaire n’a été décidé aux termes des échanges, et si des frustrations légitimes subsistent de part et d’autre, ce Sommet aura néanmoins été un moment important pour l’avenir des relations UE-Afrique. Le Président français avait aussi mis à l’ordre des priorités d’accélérer le projet de Boussole stratégique. Pari relevé puisque le texte a été approuvé par le Conseil européen en mars dernier (la guerre en Ukraine n’y est pas pour rien non plus). La Boussole stratégique est un texte qui recense les priorités communes des États membres en matière de défense et de sécurité, d’appréciation des menaces, et des capacités à développer dans différents secteurs clés : une plus grande capacité de déploiement rapide de l’UE, pouvant compter jusqu’à 5 000 militaires ; une multiplication d’exercices réels conjoints sur terre et en mer ; un renforcement du rôle de l’UE en tant qu’acteur de la sécurité maritime ; davantage d’investissements dans l’innovation technologique pour la défense afin de combler les lacunes stratégiques et de réduire les dépendances technologiques et industrielles, etc.

Alors bien sûr, nous sommes encore loin d’avoir bâti une véritable Europe de la Défense, d’autant que le rôle de l’OTAN s’est vu renforcé ces derniers mois en raison de la guerre en Ukraine. Toutefois, nous pouvons nous réjouir que le débat ait (enfin !) été rouvert sur la question de l’architecture de sécurité collective du continent et sur les moyens de constituer une vraie autonomie stratégique dans des domaines clés.

Pour en revenir au bilan de la PFUE, en dépit d’avancées notables, certains des axes du programme n’ont pas vu le jour. L’un des objectifs phares était la constitution d’un nouveau modèle européen de croissance, notamment à travers la mise en place d’un salaire minimum européen. Sur ce point, les discussions se poursuivent encore. En ce qui concerne le volet environnemental, le plan « Fit for 55 » (dont l’objectif est de parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050, et de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030) devrait être adopté dans les jours ou les semaines qui viennent. Toutefois, la guerre en Ukraine nous a contraint à revoir nos priorités, surtout en ce qui concerne l’énergie puisque, du fait des sanctions imposées à la Russie sur les importations de gaz notamment, de nombreux États ont annoncé qu’ils auraient recours, à nouveau et dans de larges proportions, au charbon et aux énergies fossiles.

Enfin, sur le dernier volet du programme de la PFUE que le Président Emmanuel Macron avait intitulé « L’Europe à taille humaine », hormis la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui a rendu ses conclusions en mai dernier, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées. Le Président Macron avait annoncé vouloir lancer un grand travail sur l’histoire européenne, ainsi que la mise en place d’un fonds européen de soutien au journalisme. La guerre en Ukraine a obligé la France à prioriser, et ces propositions n’ont pour l’instant pas abouti. Mais il y a de fortes chances que ces initiatives soient reprises par la République Tchèque qui succèdera à la France à la Présidence du Conseil de l’UE dans quelques jours. Il est notamment question d’organiser d’ici un an une réunion des universités de l’Union européenne.

S’il y a encore de nombreux chantiers européens non aboutis et surtout, si les conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine et des sanctions vis-à-vis de la Russie n’ont pas encore été tout à fait mesurées, la Présidence française du Conseil de l’UE aura au moins eu le mérite d’aborder enfin des sujets vitaux pour l’avenir de l’Union européenne. Des tabous ont pu être levés (même s’ils n’ont pas été tranchés) : sa défense, son indépendance énergétique, la révision de ses traités, ou encore sa place dans les relations internationales, pour n’en citer que quelques-uns. Les prochains mois seront cruciaux. Gageons que les présidences Tchèque puis Suédoise sauront reprendre les dossiers « brulants » et permettre de renforcer l’Union européenne autour de sa mission première : protéger les Européens.

Joséphine Staron
Directrice des études et des relations internationales chez Synopia

 

 

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