Algerie France face à la mondialisation quel partenariat

Algerie France face à la mondialisation quel partenariat

Publié le 22 septembre 2011

Dr Mr Abderrahmane MEBTOUL, expert International
Une rencontre prévue à partir du 29 mai 2011 à Alger devrait réunir quelque 400 à 450 opérateurs français et algériens, avec pour objectif de lancer de nouveaux projets ou de relancer des activités en suspens pour un partenariat gagnant-gagnant. Il est prévu trois ateliers. Le premier abordera les partenariats publics et privés; le deuxième atelier traitera de la formation et du transfert de savoir-faire et le troisième sur les innovations. L’Algérie entend privilégier ses seuls intérêts, les sentiments n’existant pas dans la pratique des affaires, expliquant sa volonté de diversifier également ses échanges en direction d’autres pays européens, des pays d’Amérique( USA/Canada) et de certains pays émergents. Avec l’internationalisation des flux réels et financiers portés par les firmes transnationales, l’analyse en termes d’Etats-Nations devant être atténuée, il existe plus d’identité économique . L’objet de cette contribution est de situer le bilan et les perspectives de cette coopération(1).
Les 430 entreprises françaises présentes en Algérie emploient plus de 35 000 personnes sans compter les emplois indirects et 180 PME françaises sont intéressées à investir en Algérie selon des sources françaises. L’installation d’une usine Renault en discussions, l’Algérie voulant lancer une industrie automobile de 100 000 véhicules de gammes variées par an. Lors de sa seconde visite en Algérie, le 21 février 2011, M. Jean Pierre Raffarin avait indiqué outre les négociations sur Renault, qu’ont été abordés ceux de Total et Lafarge, qui étaient à « mi-chemin » d’un accord. La France demeure le 1er fournisseur de l’Algérie avec plus de 6 milliards de dollars, son 4e client avec plus de 4,5 milliards de dollars , avec 15,7% de parts de marché, les échanges entre la France et l’Algérie ayant plus que triplé en douze ans. Les relations économiques et commerciales ont progressé de manière très rapide depuis 1999. L’Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique (Maghreb, Egypte comprise, et Afrique sub-saharienne). Si l’on étend les comparaisons au reste du monde, l’Algérie est le troisième marché pour les exportations françaises hors pays de l’OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié des exportations sont réalisées par des PME. L’Algérie est un partenaire stratégique en matière d’énergie pour l’Europe (concurrent de la Norvège et de la Russie) dont la France, comme le montre les bonnes relations entre Gaz de France, Total et Sonatrach. et ce, à travers Medgaz (Europe via Espagne) , Galsi (Europe via Italie) , les prévisions étant une exportation totale de 85 milliards de mètres cubes gazeux à l’horizon 2015 dont une grande fraction en direction de l’Europe. Pour le projet Nigal Nigeria, Europe via-Algérie, dont le financement nécessite plus de 15 milliards de dollars alors qu’il était prévu 7 milliards de dollars, il est toujours en gestation. Il faudrait entrevoir également le développement de l’énergie solaire qui peut donner lieu à une coopération par la promotion d’une multitude de PMI/PME du fait que les données concernant l’épuisement à terme des énergies fossiles en Algérie dont la durée de vie des réserves en termes de rentabilité financière sont les plus contradictoires (16 ans pour le pétrole, 25 ans pour le gaz tenant compte de la forte consommation intérieure et des prévisions d’exportation). Rappelons que quatre accords ont été signés, le premier l’accord algéro-français de partenariat énergétique pour renforcer la coopération entre les administrations et les entreprises du secteur dans les deux pays. Le second accord constitue un renouvellement du protocole d’accord signé en 2003, entre l’Agence de promotion et de rationalisation de l’énergie (APRUE), côté algérien, et l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) côté français. Deux autres accords de nature commerciale ont été signés entre l’entreprise nationale SONATRACH et Gaz de France par les P-DG des deux compagnies. Le premier contrat d’une durée de 20 ans porte sur la vente par SONATRACH d’un volume de 1 milliard de m3 de gaz par an à Gaz de France (GDF) qui doit passer par le biais du gazoduc Medgaz, avec une option de doublement de la capacité à une phase ultérieure, le second portant sur la réservation par SONATRACH d’une capacité de regazéification pour un volume de 1 milliard de m3 de gaz sur le terminal de Montoir en Bretagne. Les investissements en hausse de Total marquent le retour des Français dans le secteur des hydrocarbures en Algérie, où ils ont été supplantés par les Américains et les Britanniques. Le groupe français Total envisage d’accroître ses investissements en Algérie. Il vient, en effet, de consolider ses intérêts en Algérie grâce à un contrat avec Alnaft (Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures) et Sonatrach pour le développement du champ de gaz de l’Ahnet, situé au sud-ouestdu pays. Total s’engage à y investir 2 milliards de dollars au minimum, qui correspondent à sa part de 47% dans le projet, contre 51% pour Sonatrach et 2% pour le portugais Partex. Total table également sur la pétrochimie pour se relancer en Algérie. Les discussions sont en cours sur la réalisation d’un complexe de vapocraquage d’éthane à Arzew, en partenariat avec Sonatrach, où l’investissement est estimé à 5 milliards de dollars, dont près de la moitié serait assurée par Total. Les négociations avaient été retardées en raison de la directive du Premier ministre algérien de juillet 2009 imposant une part de 51% pour les sociétés algériennes dans toute joint-venture avec une entreprise étrangère. Total se serait résignée à ne contrôler que 49% du projet tel que stipulé par la nouvelle loi algérienne en matière d’investissement étranger, mais les négociations achoppent sur le prix de cession du gaz dont la différence entre le prix sur le marché intérieur et celui du marché international varie entre 1 et 9/10. Concernant les services nous assistons à la présence des banques françaises en Algérie, à l’instar de BNP-Paribas et de Société Générale, qui avaient prévu avant l’annonce de l’encadrement des investissements étrangers d’étendre leurs réseaux d’agences bancaires sur le territoire algérien. Il en est de même des assureurs français, mais qui ont revu leurs plans d’investissement pour cause de crise. Les restrictions aux investissements étrangers en Algérie ont fait le reste comme le grand assureur AXA qui invoque également les récents recadrages de la réglementation en matière d’investissement étranger, mesures qui sont en train de chambouler le calendrier des partenariats envisagés par les grandes compagnies internationales dans le domaine des assurances en Algérie. Aucune annulation définitive de projet n’a encore été annoncée. Il reste que les délais de lancement de ces partenariats sont devenus très flous. En effet, parmi les options envisagées par AXA, celle de l’achat d’une compagnie privée est désormais exclue par la nouvelle réglementation. Reste donc la possibilité d’une association minoritaire avec un groupe public algérien. Des sources annoncent que l’accord CNEP-CARDIF signé le 27 mars 2008 devrait se confiner au commercial accusant un retard important dans sa mise en œuvre. Malgré cela, il faut reconnaître que les relations économiques entre l’Algérie et la France, malgré des discours de bonnes intentions, sont loin des attentes entre les deux pays se limitant essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, les services notamment bancaires , l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française, alors que les potentialités sont énormes. Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges. Certes les échanges commerciaux sont en hausse mais ils demeurent figés dans leurs structures. Malgré une bonne évolution, ces échanges sont dérisoires comparés aux exportations et importations des deux pays. La France dans bon nombre d’affaires en Algérie est devancée par l’Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus importants. C’est que dans la pratique de affaires il n’y a pas de fraternité , de sentiments et l’Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c’est le cas de la France , les opérateurs qu’ils soient arabes, algériens chinois, français ou américains étant mus par la logique du profit maximum et ils iront là où, sous réserves des contraintes socio- politiques et socio- économiques, ils peuvent réaliser ce profit maximum. Il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’Etat mais sur des réseaux décentralisés à travers l’implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération, le dialogue des cultures, l’émigration ciment de l’
inter culturalité pouvant être un vecteur dynamisant.
2- Quelles perspectives pour cette coopération ?
Certes, tous les pays protègent leur production nationale grâce à l’Etat régulateur stratégique en économie de marché pouvant détenir des minorités de blocage dans des segments stratégique, à ne pas confondre avec le retour à l’Etat gestionnaire de l’ex-économie soviétique comme le montre les décisions récentes de bon nombre de pays développés et émergents , mais d’une manière ciblée et ne décourageant pas l’acte d’investissement national et étranger. De plus en plus d’experts algériens préconisent de lever ce voile juridique de peu d’efficacité économique et de mettre en place un autre indicateur plus significatif qui est celui d’une balance devises positives c’est-à-dire que les entrées en devises doivent être supérieures aux transferts. L’essentiel pour l’Algérie est de favoriser une accumulation de savoir-faire à la fois managériale et technologique, grâce à un partenariat gagnant-gagnant, l’Etat pouvant détenir des minorités de blocage pour des segments stratégiques, l’objectif étant une valeur ajoutée interne positive. Comme conséquence de ces mesures, selon le rapport de la CEE (FEMISE) de 2010, les IDE, déjà faibles, ont chuté de près de 70% en 2009/2010, en référence aux années 2007/2008 en Algérie, les 30% restants étant surtout concentrés dans les hydrocarbures. Cela devrait inciter à une réorientation de l’actuelle politique économique pour la période 2011/2014, la valeur des importations n’ayant baissé que de 1% en valeur entre 2008/2010 (somme dérisoire), l’essence, autant que l’inflation de retour, étant l’envolée de la dépense publique prévue de 200 milliards de dollars entre 2004/2009 avec une injection projetée de 286 milliards de dollars entre 2010/2014. Or, 130 sot des restes à réaliser du programme 2004/2009, 70% étant consacré aux infrastructures, alors que le développement doit reposer sur l’entreprise compétitive ( couple cout/qualité) et la valorisation du capital humain, ce qui démontre une mauvaise gestion, voire la corruption. Se pose cette question stratégique : cette faiblesse du tissu productif en Algérie, l’économie algérienne étant une économie foncièrement rentière 98% d’exportations d’hydrocarbures brut et semi bruts et important presque tout 75% pour les besoins des entreprises et des ménages moyenne 2006/2010 , n’explique-t-elle pas que le taux de croissance n’est pas proportionnel à la dépense publique (inférieur à 3/4% moyenne 2006/2010 alors qu’il aurait dû être au moins de 10% démontrant un gaspillage des ressources financières) ? Le gouvernement pourra-t-il créer entre 2010/2014, 200.000 PME/PMI et trois (3) millions d’emplois, pas des emplois rentes fictifs mais des emplois productifs prévus afin de diminuer les tensions sociales ? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts, moyenne du taux de croissance 2004/2010 environ 3% alors que l’importante dépense publique aurait dû permettre plus de 10%, l’Algérie dépensant deux fois plus pour avoir un résultat deux fois moindre selon une étude de l’OCDE de 2009. La population algérienne est de 36 millions en 2011 et oriente vers 45 millions à l’horizon 2025 au moment où l’on assistera à l’épuisement des hydrocarbures constituant 98% de ses recettes d’exportation (moyenne 2010/2011) en termes de rentabilité financière. L’Algérie ne risque-t- elle pas avec le statu quo actuel sans réformes une marginalisation par rapport aux mutations mondiales ? Pourtant , l’Algérie, sous réserve de la levée des contraintes d’environnement freinant la création d’entreprises à valeur ajoutée , supposant de profondes réformes microéconomiques et institutionnelles, liant réformes et démocratie , une visibilité et cohérence dans la politique socio- économique évitant l’instabilité juridique perpétuelle, a les potentialités pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, principal défi entre 2011/2020 et devenir un pays pivot au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo-africain. En cette ère de mondialisation avec les grands espaces et les effets de la crise d’octobre 2008 qui aura pour conséquence une importante reconfiguration géostratégique et économique entre 2015/2020, il est dans l’intérêt de tous les pays du Maghreb d’accélérer l’intégration économique , si l’on veut attirer des investisseurs potentiels intéressés non par des micro- espaces mais par un marché de plus de 100 millions d’habitants pour le Maghreb , de 500 millions pour l’espace euro- méditerranéen et 1,5 milliard d’âmes à l’horizon 2020 pour le continent africain, comme j’ai eu à le démontrer dans une contribution parue le 28 avril 2011 à l’ Institut français des Relations Internationales ( IFRI) de Paris, France  » le Maghreb dans son environnement régional et international : la coopération Europe/Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales  » où ont été mis en relief les résultats mitigés du processus de Barcelone, l’urgence d’une nouvelle conception des relations internationales loin de tout esprit de domination, conciliant réformes et démocratie tenant compte des anthropologies culturelles et conclut que l’avenir économique de l’Europe et du Maghreb est en Afrique. Comme ils s’agira d’intégrer d’une manière intelligente la sphère informelle qui contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments de produits de première nécessité. L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen- Orient, la taille du marché intérieur estimée à environ 36 millions de consommateurs, des richesses naturelles importantes, des ressources humaines mais devant améliorer la qualité de l’enseignement. Elle a un stock de dette inférieure à 4 milliards de dollars, des réserves de change d’environ 157 milliards de dollars et un programme d’investissements 2010/2014 de 286 milliards de dollars. Dépassionnons les relations entre l’Algérie et la France grâce à un partenariat équilibré et solidaire pour une prospérité partagée loin de tout esprit de domination. L’histoire commune bien que mouvementée nous impose d’entreprendre ensemble pour une prospérité partagée se fondant sur l’entreprise créatrice de richesses et son fondement le savoir mais en n’oubliant jamais que nous sommes à l’ère de la mondialisation.Le Maghreb
(1) Une longue interview,
à l’occasion de cette rencontre, a été donnée par Abderrahmane MEBTOUL à la revue de la chambre de commerce
algéro-française dont cette contribution constitue une très brève synthèse.
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