Jean-Pierre Boudhar : l’ex-SDF devenu entrepreneur dans l’immobilier

Jean-Pierre Boudhar : l’ex-SDF devenu entrepreneur dans l’immobilier

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Jean-Pierre Boudhar a 59 ans, et il est chef d’entreprise dans l’immobilier. Un comble pour un homme qui a passé des mois à la rue à cause de l’instabilité qui régnait chez lui. Et l’entrepreneur n’a pas choisi d’en rester là. Il a décidé d’aider les autres à rompre avec la rue, en les accueillant dans des logements dont il est propriétaire.

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À 13 ans déjà, c’est son instinct de survie qui le guidait. Le jeune homme est confronté très jeune à un environnement familial agité. À 17 ans, les choses se compliquent. Jean-Pierre Boudhar se retrouve complètement à la rue. Livré à lui-même, il erre dans la métropole lilloise. « Parfois, je dormais à la gare, d’autres fois, je trouvais refuge dans des bars. Je vivais aussi de petits larcins », confie-t-il.

Le passé de l’entrepreneur ne présageait pas d’issues. « Quand on est à la rue, on pense qu’on ne va jamais s’en sortir. On ne voit pas comment les choses pourraient s’arranger. On y pense, quand même, mais honnêtement on est vite coupé dans nos rêveries et rattrapé par d’autres impératifs. Où est-ce qu’on va dormir ? Qu’est-ce qu’on va manger ? », explique Jean-Pierre Boudhar.

« On m’a offert Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche. Mais, je venais de la rue. Vous imaginez ? »

Mais une rencontre change le cours de l’histoire. Alors que Jean-Pierre Boudhar, épuisé par sa nuit à la gare de Lille trouve refuge dans un bar, 3 étudiants l’interpellent. « Je connaissais le barman, il m’a laissé m’asseoir sur une banquette. Il était 7h du matin. Je me suis assoupi un instant et en me réveillant, il y avait trois jeunes hommes autour de moi. Ils ont engagé la discussion, m’ont offert un déjeuner et ils ont mangé avec moi », se souvient Jean Pierre Boudhard.

Rapidement, le groupe engage la discussion avec l’SDF et lui font des propositions. « On a discuté pendant au moins 2h. Deux d’entre eux étudiaient la médecine, et le troisième s’intéressait à l’architecture. Finalement, ils ont proposé de m’accueillir pour une nuit dans leur T4 », raconte Jean-Pierre Boudhar. Il accepte leur hospitalité. « Une nuit, deux nuits et finalement 5 ans », s’exclame Jean-Pierre Boudhar.

À partir de ce moment, l’actuel entrepreneur entre dans un « autre monde » : « Je ne côtoyais plus que des étudiants. J’étais en contact constant avec des intellectuels et pour mes 18 ans, on m’a offert Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche. Autant dire que j’ai mis 3 ans à déchiffrer ce que le philosophe racontait parceque je n’étais pas quelqu’un d’assidu à l’école », interroge Jean-Pierre Boudhar. Grâce à ses amis étudiants, l’ex-SDF a aussi pu rencontrer beaucoup de filles et certaines l’ont aidé à s’en sortir. « Ce sont les femmes qui m’ont tendu la main, surtout la dernière », insiste-t-il.

« C’est dur de devenir entrepreneur, d’avoir de lourdes responsabilités, d’être sujet à des règles »

Fort de ces nouvelles rencontres, Jean-Pierre Boudhar renoue avec le monde du travail. Il passe son BAFA, et multiplie les petits boulots : il a travaillé dans les discothèques, il est devenu animateur pour le troisième âge en France, en Tunisie, en Italie, et d’ailleurs à Venise, l’actuel entrepreneur a frôlé la catastrophe. « J’étais responsable d’une soixantaine de voyageurs, et je devais leur faire découvrir la ville. Alors, j’attrapais mon micro et je me contentais de leur lire un guide papier à ma façon. Aussi, en Italie, on est allé se balader avec un groupe de 60 touristes et j’en ai perdu 20 (rire)… », s’amuse Jean-Pierre Boudhar.

Après avoir enchaîné les petits boulots, Jean-Pierre Boudhar devient entrepreneur grâce à la rencontre de son épouse. Mais il rencontre des difficultés. « C’est dur de devenir entrepreneur, d’avoir de lourdes responsabilités, d’être sujet à des règles. J’étais très brutal et pas prêt au début. Par exemple, je n’arrivais pas à parler correctement avec mes équipes. J’étais maladroit », explique-t-il.

Un ex-SDF à la tête de 6 agences immobilières

Grâce à la femme qu’il rencontre, Jean-Pierre Boudhar réussit tout de même à devenir agent immobilier. Petit à petit, il rachète l’agence et investit dans 5 autres. Aujourd’hui, il se retrouve à la tête de 6 agences immobilières à Lille. Mais il s’est aussi donné une autre mission : venir en aide aux SDF.

Jean-Pierre Boudhar loue aux SDF des appartements pour une somme comprise entre 82 et 92 euros par mois. « Un jour, j’ai acheté un nouvel immeuble, et j’ai remarqué qu’il y avait des gens qui vivaient dedans. J’aurais pu les mettre à la porte mais en tant qu’ex-SDF, je ne pouvais pas. J’ai donc discuté avec eux, et j’ai décidé de tout rénover et de leur louer », raconte l’entrepreneur. Aujourd’hui, il rend régulièrement visite à ses locataires. Il leur apporte de la nourriture, des « fringues » (comme dit Jean-Pierre Boudhar), des kits de propreté, etc…

Mais l’agent immobilier insiste sur un point : « Je les loge, j’ai une très bonne relation avec eux mais attention, je suis très maniaque. J’attends donc qu’ils prennent soin des logements et qu’ils entament des démarches pour s’en sortir. Sinon, je les vire. Je n’ai pas d’autres choix », explique-t-il. Le rigorisme de Jean-Pierre Boudhar est lié aux situations auxquelles il a été confronté. « J’ai récemment du mettre à la porte un SDF qui avait des troubles du comportement: il laissait pourrir la nourriture dans l’appartement et faisait ses besoins partout », raconte-il.

Créer un téléthon pour les SDF

Car, malheureusement, les immeubles de Jean-Pierre Boudhar ne sont pas médicalisés. Il ne peut donc pas prendre en charge les personnes atteintes de troubles psychologiques. « On peut donner un logement, donner à boire et à manger aux SDF, mais ce qu’il faut, c’est leur donner de l’ambition et de l’espoir. Ça, c’est plus difficile », confie-t-il. Mais l’entrepreneur a une idée : « Créer un téléthon pour les SDF ».

Aujourd’hui, l’entrepreneur décrit comme dynamique, volontaire et avenant par sa secrétaire; veut partager une leçon de vie. « Je pense que l’humilité est primordiale. À un moment, j’avais pris la grosse tête. Je multipliais les achats de belles voitures, j’allais en vacances à l’autre bout du monde… Et finalement, ça ne m’a pas rendu plus heureux. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Aujourd’hui, je suis plus heureux en aidant les sans-abris », conclut Jean-Pierre Boudhar, désormais chef d’entreprise chez Immoclef.

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