Rencontre avec la pionnière du tatouage 3D post-cancer du sein

Rencontre avec la pionnière du tatouage 3D post-cancer du sein

tatouage-alexia-cassar-the-peony-company-cancer-sein

Sa démarche est unique en France. Alexia Cassar répare les corps abimés par le cancer du sein et la mastectomie. Son secret ? Une pratique ultra professionnelle du tatouage 3D artistique à visée de reconstruction. Ex-biologiste en oncologie, la jeune femme se bat aujourd’hui pour une pleine reconnaissance et un solide encadrement de la pratique en France.

Vous aimerez aussi

Son parcours d’entrepreneure est classique, son activité beaucoup moins. Entre 2016 et 2017, Alexia Cassar intègre une couveuse avec The Peony Company. Pour se déployer, la société mise aussi sur le financement participatif via KissKissBankBank. La plateforme de crowdfunding lui permet de récolter un peu plus de 30 000 euros. Soit la moitié des fonds nécessaire à l’ouverture d’un local pour pratiquer un savoir-faire que sa fondatrice est la seule à prodiguer en France : le tatouage 3D artistique pour reconstruire la plaque aréolo-mamelonnaire suite à un cancer du sein. Concrètement, il s’agit de dessiner en trompe-l’oeil le mamelon d’un sein ayant subi une ablation. Du téton à l’aréole, Alexia est capable de refaçonner une poitrine grâce à sa maîtrise du tatouage.

« Personne ne proposait ce geste de manière professionnelle en France », s’étonne-t-elle. Elle décide d’importer la pratique des États-Unis. Mais, si les internautes sont convaincus par son concept, les banques font la sourde oreille : « Aucune d’entre elles ne voulait me suivre ». Cette mère de famille investit alors une bonne partie de ses économies et compte sur l’appui de ses proches pour pouvoir amorcer son activité et la poursuivre jusqu’à maintenant.

« J’ai tatoué quasiment 300 personnes en trois ans »

Aujourd’hui, elle pratique à Marly-la-Ville dans le Val d’Oise. « C’est un tout petit cocon dans mon jardin. Il n’est pas ouvert au public afin de respecter l’intimité de ceux qui n’ont pas envie d’être étiquetés comme anciens malades », précise-t-elle. Alexia Cassar voulait pratiquer dans un lieu chaleureux répondant à toutes les normes d’hygiène et de salubrité, qui ne soit ni un centre médical ni un centre d’esthétique.

Le pari semble allègrement relevé pour l’entrepreneure qui essaime à présent son concept à Nice. En effet, 2019 démarre sur les chapeaux de roues pour Alexia qui ouvre un nouveau salon au cœur de la Riviera pour y pratiquer lorsqu’elle ne sera pas en Île-de-France. « J’ai tatoué quasiment 300 personnes en trois ans », affirme-t-elle. Il faut compter 450 euros pour une intervention sur un sein et 700 euros pour un tatouage sur les deux.

« Ce n’est pas une reconversion conduite par le caprice »

Et le parcours de celle qui se bat contre tout amateurisme ne doit rien au hasard. « J’avais des compétences scientifiques et artistiques. Ce n’est pas une reconversion conduite par le caprice », assure Alexia Cassar. Le C.V. de celle qui a été confrontée à la maladie dans son histoire familiale, lui donne raison : elle a été biologiste en oncologie pendant quinze ans.

C’est en 2015 qu’elle quitte son poste de responsable médicale en hématologie pour découvrir le savoir-faire du tatoueur Vinnie Myers à Baltimore. Elle démarre aussi une formation avec un maître tatoueur traditionnel en France avant de refaire un voyage outre-Atlantique pour pousser son apprentissage à San Antonio avec une tatoueuse, spécialisée là-encore. Enfin, elle vient de parfaire un peu plus son expertise grâce à l’enseignement de David Allen, véritable sommité dans le tatouage post-mastectomie basée à Chicago.

Pas encore d’encadrement ni de prise en charge

Même si elle est appuyée par l’Institut Curie, le centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy, et travaille auprès de nombreux professionnels de la santé, rien n’est encore gagné pour The Peony Company. D’autant que, dans notre pays, le tatouage semi-permanent reste la pratique post-cancer phare.

Aux yeux d’Alexia Cassar, la problématique est double. Il n’y a aucun encadrement de cette pratique – pour le moment exclusivement enseignée aux États-Unis – et pas de prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles pour les patientes désireuses d’y avoir recours.

Son combat contre l’amateurisme

Gagnante du Trophée Créatrice d’Avenir 2018, la tatoueuse redoute un simple copier/coller de son concept sans les compétences, avec, pour corollaire, le risque d’un accident qui interdirait tout bonnement et simplement la pratique sur notre territoire. Dans cette optique, elle souhaite alerter les pouvoirs publics. « Si on n’en fait pas un geste quotidien, le geste est inefficace. Tous les jours, je répare des seins abîmés par des mains inexpertes. Il faut être particulièrement vigilant lorsque l’on touche des tissus irradiés ou fragilisés par des cicatrices », martèle-t-elle.

En véritable couteau suisse, Alexia multiplie les initiatives. Outre sa pratique des tatouages de reconstruction mammaire, elle est consultante en oncologie et porte-parole d’associations de patients. Elle crée des groupes de réflexion. Elle assiste à beaucoup de conférences médicales, en cancérologie notamment. Son but ? Sensibiliser un maximum de professionnels et d’officiels. Elle est également intimement liée à plusieurs associations, parmi lesquelles Les Hôtesses de l’air contre le cancer et Sœurs d’encre.

Et les rêves d’Alexia Cassar sont loin d’être des fantasmes. Pour répondre au besoin des patients ayant subi un cancer, il faudrait un tatoueur par région. Et surtout travailler systématiquement main dans la main avec les hôpitaux. Une nécessité quand on sait que le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. 60 000 nouveaux cas ont d’ailleurs été diagnostiqués en France… rien qu’en 2017.

0 commentaires

Laisser un commentaire