Troubles alimentaires, quand le confinement devient un enfer

Troubles alimentaires, quand le confinement devient un enfer

TCA

Ennui, anxiété, solitude, le confinement met à rude épreuve notre moral. S’enfermer chez soi pendant plusieurs mois n’est un exercice simple pour personne. Mais pour des individus atteints de troubles du comportement alimentaire (TCA), il se transforme en véritable enfer. Témoignage de Morgane Soulier, fondatrice de Feeleat.

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Anorexie, boulimie, hyperphagie, obésité… On estime à 8 millions le nombre de personnes souffrant de ces maladies en France. Rassemblées sous le terme de troubles du comportement alimentaire, elles nécessitent un parcours de soins très long. Difficiles à vivre au quotidien, elles représentent souvent une source d’isolement en plus d’un risque pour la santé. Aujourd’hui, la pandémie de coronavirus, et le confinement qu’elle induit, compliquent nettement le quotidien déjà difficile de ces patients.

Le confinement, une menace pour les personnes souffrant de TCA

Le confinement perturbe les sensations et les repères alimentaires déjà mis à mal chez les personnes atteintes de troubles alimentaires. Morgane Soulier explique qu’il peut en résulter une augmentation des crises de boulimie, liée au fait que l’on reste à la maison. L’ennui, un réfrigérateur plein, l’oisiveté… représentent alors des facteurs de risque pour des personnes sujettes à des comportements compulsifs. Pour celles qui souffrent d’anorexie, l’angoisse et l’anxiété provoquées par le contexte actuel peuvent perturber les sensations de faim et « provoquer une diminution ou une perte de l’appétit. »

Si l’absence de garde fou pose problème à des patients confinés seuls, une tout autre difficulté s’ajoute pour ceux qui sont confinés à plusieurs. Obligées de rester chez elles, ces personnes n’ont d’autre choix que de manger en famille, de suivre le rythme du groupe. « Cet aspect communautaire peut vraiment les mettre en difficulté. » Elles rencontrent notamment le problème d’un manque d’intimité pourtant nécessaire à leur prise en charge médicale. « Quand il s’agit de troubles psychiques ou qui concernent l’alimentation, on n’a pas forcément envie que la famille entende ce qu’on veut dire à son médecin. » explique Morgane Soulier. Malheureusement, lorsqu’on est confiné à plusieurs, il est parfois complexe de s’isoler pour échanger discrètement avec son médecin en téléconsultation. C’est là qu’intervient Feeleat. Grâce à cette application, le médecin et le patient peuvent échanger par messages.

Feeleat, se réconcilier avec son alimentation

Feeleat est avant tout une aventure collaborative. Elle est « née de la volonté de milliers de personnes, patients, familles et médecins, de développer de nouveaux outils pour aider tous ceux pour qui bien s’alimenter n’est plus naturel. » Plus précisément, Feeleat permet à un individu, qu’il soit déjà pris en charge ou non, d’enregistrer à tout moment de la journée ses ressentis. Un élément essentiel dans le parcours de soins. « L’idée était d’abord de développer un outil qui permettrait aux patients de ne pas se démotiver durant leur parcours de santé, souvent très long. Ensuite de réussir à raccourcir les parcours de soins et que les médecins aient une meilleure visibilité sur le comportement du patient. »

Le personnel de santé peut également utiliser FeeleatMed, une interface dédiée au corps médical. Grâce à cette plateforme, les diététiciens, nutritionnistes, psychiatres, psychologues et endocrinologues peuvent se connecter directement à l’application de leur patient. Ils ont alors accès à une version abrégée des tableaux de bord leur permettant d’identifier ce qu’a vécu leur patient au cours de la journée.

Dialoguer pour mieux aider

Que ce soit en période de confinement ou non, il y a plusieurs choses à faire pour aider une personnes souffrant de TCA.

Tout d’abord, il faut pouvoir prendre conscience que ce n’est pas un manque de volonté mais une maladie reconnue. « Je pense que prendre conscience que son enfant, son conjoint souffre d’une vraie maladie permet d’instaurer le dialogue plus facilement. »

Il faut ensuite apprendre à détecter les symptômes afin d’apporter une aide adaptée. Ces maladies peuvent se manifester de plusieurs façons, parfois bien différentes de ce que nous imaginons. Par exemple, une personne atteinte de ces troubles n’est pas forcément maigre. « Mais on peut identifier des comportements dysfonctionnels comme quitter la table systématiquement dès la fin des repas, refuser de consommer certains aliments de provenance animale, avoir un rapport excessif à l’exercice physique, etc. » Ce sont là quelques signaux qui peuvent alerter.

Enfin, le repas doit rester un moment vide de tensions. Le sujet des troubles alimentaires est très sensible et mérite d’être discuté. Il faut toutefois trouver le bon moment et la bonne manière de l’aborder avec la personne concernée. « N’adaptez pas les repas à sa difficulté. Ne vous comparez pas à elle. Cela ne l’aidera pas, cela peut au contraire la conforter dans sa maladie. […] Il faut être patient, parce que ce sont des maladies qui sont très longues à soigner. Encouragez-la à entamer un suivi médical. »

Briser le cercle vicieux des TCA

« Souffrir de troubles alimentaires est très stigmatisant. » Confrontées à leurs difficultés pour s’alimenter, les personnes sujettes sont en général très isolées.  « Toute la vie de la personne, qu’elle soit professionnelle, sociale, amicale, amoureuse devient un vrai challenge. » De fait, ces troubles alimentaires ont un impact sur leur travail. « Maux de ventre à répétition, souffrances cardiaques, problèmes de peau. […] Les TCA engendrent d’autres troubles. Ce sont des personnes qui vont plus souvent que d’autres se mettre en arrêt maladie. » Dès lors, il est inutile d’y ajouter le jugement de leur entourage. Des remarques sur leur comportement, à la cafétéria, entre amis ou à la maison, peuvent les pousser à s’isoler davantage.

Fidèle à ses origines, Feeleat forme « une communauté bienveillante, d’entraide qui rassemble l’intégralité des acteurs du parcours de soin. » Dès lors, Feeleat encourage l’échange et le partage d’expérience.  » Sur les réseaux sociaux la communauté interagit et donne des petits conseils toute la journée. » Ainsi, personne ne reste seul face à la maladie. En cela, Feeleat participe à la guérison de ces personnes en brisant le cercle vicieux de l’isolement. Et Morgane Soulier de conclure, « on a tous autour de nous quelqu’un qui, parfois sans le savoir, est concerné par l’un ou l’autre de ces troubles. Je pense qu’il est important d’être vigilant, d’essayer d’accompagner les personnes qui souffrent. »

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