« La technique, c’est la seule façon d’aller au-delà des préjugés ». Rencontre avec Eugénie Maï-Thé, brasseuse en cheffe de FrogBeer

« La technique, c’est la seule façon d’aller au-delà des préjugés ». Rencontre avec Eugénie Maï-Thé, brasseuse en cheffe de FrogBeer

bière

D’ingénieur agronome à brasseuse en cheffe des brasseries FrogBeer, Eugénie Maï-Thé a su s’imposer dans un milieu encore considéré comme masculin. Par son expertise, elle démontre cependant que, non, la bière n’est pas une boisson d’hommes. Rencontre avec une passionnée de brassage aux recettes savoureuses.

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Ingénieure agronome, Eugénie Maï-Thé a longtemps travaillé sur des produits artisanaux pour des transformateurs ou des distributeurs de produits biologiques. Mais à force de travailler avec des producteurs, de valoriser leur savoir-faire, elle a eu envie de passer de l’autre côté du miroir et d’à son tour intégrer la production artisanale. Passionnée de fermentation et déjà brasseuse amatrice, c’est tout simplement qu’Eugénie Maï-Thé rejoint le monde des brasseurs professionnels.

Dans les coulisses d’une micro-brasserie

Cela fait maintenant dix ans qu’Eugénie Maï-Thé travaille dans la production de bière. Elle brasse aujourd’hui pour le groupe de micro-brasseries FrogBeer. Chez FrogBeer, il existe très peu de relais de décision. Le groupe fonctionne à échelle humaine et tous les produits sont faits à la main, avec très peu d’automatisation. « Tout est très manuel, relié à l’expérience, à un savoir-faire, à la formation des brasseurs. Il y a une traçabilité directe entre les produits qu’on fait et les personnes qui les consomment. » explique Eugénie Maï-Thé.

Elle est à la tête d’une petite équipe de cinq brasseurs aux horizons variés. « Ce qui est bien c’est que tout le monde est multi compétent. C’est à dire que sur une semaine un brasseur peut brasser, créer, embouteiller ou préparer les commandes. Pour fabriquer une bière de A à Z, chacun va contribuer à une partie. » confie-t-elle. Elle en profite pour rappeler les différentes étapes de fabrication d’une bière. Il faut une journée pour brasser, suivie d’une phase de fermentation pendant laquelle la levure va travailler, pendant une semaine environ. Le liquide est ensuite « mis en garde », une étape où le produit va être refroidi afin qu’il sédimente pour devenir le plus clair possible. Cette phase va également permettre la maturation des arômes. C’est à ce moment que le brasseurs ajoute différents ingrédients selon les spécialités. Au bout de trois semaines environ, la bière est prête à être consommée.

Les secrets d’une bonne bière artisanale

« Faire une bonne bière ce n’est pas très dur, avoue Eugénie Maï-Thé. C’est faire une bière avec une qualité constante qui est difficile. » En effet, produire une bière artisanale est un travail minutieux car quand on travaille sur le vivant, ici la levure, beaucoup de paramètres vont influencer la fabrication. « Nous brasseurs, nous ne sommes que les esclaves de la levure. Notre rôle est de lui donner l’environnement le plus favorable pour qu’elle puisse développer les arômes recherchés. » ajoute la brasseuse en cheffe. De fait, un simple changement de température, de PH, ou de temps d’infusion peut avoir un impact sur les notes aromatiques et donc donner un goût différent au produit fini.

« Plus qu’une recette, c’est l’exécution qui est importante. La maîtrise de tous les paramètres et la constance dans les pratiques, c’est cela qui fait une bonne bière. » confirme Eugénie Maï-Thé plusieurs fois récompensée pour ses recettes originales. Pour créer ses recettes, la brasseuse goûte énormément de produits pour trouver les saveurs recherchées. Elle s’inspire du milieu culinaire, qu’elle a appris à connaître au travers de sa passion de la fermentation et des produits qui en découlent : le vin, le fromage, le saké etc. « Je fais des bières que j’aime bien boire, déclare Eugénie Maï-Thé. Marier différents goûts, différents arômes, sont des choses qui m’inspirent pour construire mes recettes. »

La bière pour tous, pour toutes les occasions

Selon Eugénie Maï-Thé, c’est peut-être la manière dont le marketing a été pensé par les opérateurs historiques qui font qu’aujourd’hui la bière est souvent associée à une consommation masculine. Mais si la brasseuse évolue dans un milieu plutôt masculin, elle ne se sent pourtant pas isolée du fait d’être une femme, au contraire. « On est maintenant beaucoup de femmes à brasser. Il y a une bonne dynamique et je ne me sens pas du tout comme un cas particulier. » déclare-t-elle.

Ainsi, pour Eugénie Maï-Thé la bière et le métier de brasseur ne sont pas réservés aux hommes. Selon elle, la seule chose qui compte vraiment c’est l’expertise. « La technique, l’expertise, la compétence, ce sont les seules façons d’aller au-delà des préjugés, estime Eugénie Maï-Thé. C’est bien qu’il y ait des femmes qui veuillent s’illustrer dans des métiers très opérationnels, qui sont plutôt, dans l’imaginaire mais aussi dans les faits, masculins. Mais ce qui est important c’est de passer assez rapidement sur le métier en lui-même pour ne pas rester enfermée dans une case de « femme brasseuse ». »

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