« Mon travail est de questionner des évidences » Interview de Florian D’Inca, créateur du podcast « Mise à Mâle »

« Mon travail est de questionner des évidences » Interview de Florian D’Inca, créateur du podcast « Mise à Mâle »

La radio est un secteur assez difficile d’accès et où il faut faire ses preuves.  ll n’est donc pas donné à tout le monde d’animer une séquence enregistrée, ou pire, en direct live. Florian D’Inca, créateur de podcast, nous prouve avec « Mise à Mâle », qu’avec un peu de volonté, de la passion, un soupçon de talent et quelques micros : on peut le faire !

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Quand vous est venue l’idée de créer votre podcast ?

Florian D’Inca : « Déjà petit, j’écoutais énormément la radio, surtout les radios libres. Quand j’avais 10 ans, « C’est quoi ton truc » passait sur Europe 2 avec Barth. C’était un vrai espace de liberté. J’ai vraiment été marqué par le son, j’avais même visité les studios plusieurs fois ! J’ai été mis très tôt dans cette ambiance. Cela se fait bien entendu ressentir dans ma façon d’animer.

J’ai eu l’idée du podcast fin 2018 et j’ai enregistré 3 épisodes sans les sortir, avant un lancement officiel en mai 2019. Je voulais d’abord savoir si l’idée me plaisait. Même si c’était du bricolage au début, je voulais être sûr de moi, et savoir si ça allait tenir dans la longueur. Je voulais aussi faire quelque chose de propre visuellement parlant, et mon ex-associé et moi-même avons travaillé avec une graphiste pour créer l’univers visuel. Venant du monde de la communication, j’avais à cœur de bien travailler le titre, la direction artistique et l’univers. »

Quelles sont les sujets que vous traitez ? Pourquoi ces sujets ?

Florian D’Inca : « Globalement, je parle des clichés sur la masculinité, sous le prisme des émotions et des sentiments. Je trouve que les hommes, en général, donnent beaucoup leur opinion, mais parlent très peu de ce qu’ils ressentent. Mon but était donc de l’axer là-dessus. Un sentiment n’est pas attaquable, c’est une forme d’authenticité, mais je pense que si on faisait plus souvent ce travail, on se rendrait compte qu’on pourrait avoir plus de tendresse les uns pour les autres. En ce qui concerne les sujets, ils sont assez variés : ça peut aller de la panne d’érection à la rupture en passant par la pilosité ou encore le style vestimentaire… Je sors un épisode à chaque fois qu’il y a un cliché à mettre à mal. C’est un champ très amusant.

Le format est le suivant : toutes les 2 semaines, une discussion ouverte entre ami·e·s ou nouvelles connaissances, en buvant l’apéritif. Le but ici est de reproduire la réalité, les moments que tout le monde passe lorsqu’ils discutent, et c’est souvent autour d’une table, un verre à la main. Il faut aller directement au réel, c’est important. Pas de théorie, pas de politiquement correct, seulement de l’authenticité.

Personnellement, je suis assez attaché au fait de déconstruire la trivialité car je pense que le diable se tient dans les détails. Par exemple, dans l’épisode sur les poils, on pourrait se dire « ok… les poils et puis quoi ? ». Au final on se rend compte qu’il y a même des enjeux de domination sur la manière dont on a intronisé les normes.

Je voulais qu’il y ait un espace où on discute entre nous, hommes et femmes. Le plus important est de ne pas tomber dans le jugement. J’arrive aux enregistrements sans avoir d’idées préconçues, je veux qu’on mette à mal un cliché, sans forcément avoir une idée de conclusion. Je veux simplement écouter les gens. « Mise à Mâle » est un podcast où on ne se coupe pas la parole, que l’on soit d’accord, ou pas. Finalement, on est là pour ça, confronter des idées dans le respect de chacun. Ce qui est intéressant, c’est qu’à force de parler librement, on se rend compte qu’on n’est pas si différent. C’est un énorme soulagement pour les gens qui témoignent. Ils se disent « je pensais être tout seul à penser ça, mais en fait non ». Mon travail est de questionner des évidences, et de remettre du mouvement dans des clichés figés.

Je choisis souvent les sujets par enthousiasme. Si le sujet me plaît, j’y vais. Il y a bien entendu les rencontres que je peux faire, qui vont me donner certaines idées. Par exemple, j’ai sorti un épisode sur le style vestimentaire, je ne voyais que Lucallaccio pour en parler avec moi. C’est son contenu qui m’a donné envie d’en parler avec lui, spécifiquement.

Je ne prépare presque rien avant le podcast, j’ai le sujet en tête, et je laisse la discussion se dérouler. Je demande simplement aux personnes que j’ai invitées de préparer des anecdotes en lien avec le sujet du jour, afin d’agrémenter la conversation, et me baser sur du concret. Mon travail ici est d’être à l’écoute, et je pense qu’arriver sans questions ou ligne directrice trop figés me permet d’être plus attentif à ce qui se passe. »

« Mise à Mâle » connaît un vrai succès, sur quelles plateformes peut-on le retrouver ?

Florian D’Inca : « Ce qui est bien avec le podcast, c’est que c’est facilement diffusable, et sur n’importe quelle plateforme. Je suis hébergé chez Acast, ce qui me permet d’être multi diffusé et monétisé. J’ai aussi lancé une newsletter.

« Mise à Mâle » a effectivement le vent en poupe. Depuis que j’ai relancé le podcast en janvier 2021, les écoutes ont été multipliées par 5. Sur Instagram (seul réseau social sur lequel je communique), je suis aux alentours de +10 000% de taux d’interaction sur les 90 derniers jours. Le podcast est monté dans le top 100 de la catégorie « culture et société » sur Apple Podcasts, et dans le top 10 des podcasts sur les relations. »

Parlez-nous de votre parcours…

Florian D’Inca : « Je suis un homme de 31 ans, né à Paris mais ayant vécu en banlieue. Ça a l’air d’être un détail, mais pas tant que ça. J’ai été dans un milieu populaire mais je m’en suis sorti grâce à mes études. Cela m’a permis d’avoir un point de vue décalé des codes que je ne maîtrise pas, et ça a joué un rôle dans la création du podcast, dans ma volonté de débunker les clichés.

En termes de parcours, après le bac, je suis devenu musicien professionnel pendant 5 ans. Malheureusement, comme tout le monde le sait, c’est très difficile d’en vivre. À 23 ans, j’ai décidé de reprendre mes études à zéro. J’ai fait une double licence histoire/science politique. Puis j’ai enchaîné sur un master en communication dans une grande école à Paris. La communication m’a permis de travailler créativement un peu partout et ma licence d’avoir une vision assez globale des lignes de tensions et de forces qu’on peut avoir dans la société. De savoir d’où nous les avons héritées, et de me rendre compte qu’il s’agit de rapports d’oppositions pour savoir qui va dominer les autres.

Les gens se comportent d’une certaine manière parce qu’ils sont dans un système qui les pousse à se comporter ainsi.. Je le vois très bien dans le podcast. J’analyse des choses au débotté, et cette façon d’analyser me vient de mes études.

Je suis assez passionné par la psychologie, la sociologie et l’hypnose, que je pratique moi-même. Je trouve que c’est un super outil de thérapie, mais aussi de créativité. »

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