Entrepreneuriat, une affaire de famille [2/4] : « La clé de la réussite de l’entrepreneuriat en couple, c’est de s’accorder des moments privés et d’entreprises distincts »

Entrepreneuriat, une affaire de famille [2/4] : « La clé de la réussite de l’entrepreneuriat en couple, c’est de s’accorder des moments privés et d’entreprises distincts »

Entreprises

Noël, très attendu par les plus petits qui attendent avec impatience leurs cadeaux, cette fête est surtout un moment de partage en famille. Une semaine avant les fêtes, nous avons donc voulu mettre la famille à l’honneur au travers de témoignages d’entrepreneurs pas comme les autres. Associés à leur soeur, à leur épouse, à un parent, ces chefs d’entreprises ont fait de l’entrepreneuriat une affaire de famille. Chacun témoigne de cette aventure humaine extrêmement enrichissante qu’ils ont pu partager avec un proche. Equilibre vie pro/vie perso, transmission, confiance et difficultés, nous entrons avec eux dans les coulisses de leur aventure entrepreneuriale et de leur vie familiale.

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Ce deuxième épisode sera consacré à Pierre-Alexandre Pillet et son épouse Géraldine Pillet, co-fondateurs de Sowen. Interview.

Pour commencer, parlez nous de Sowen.

Pierre-Alexandre Pillet : Sowen est un créateur de lieux de vie pour  les entreprises. C’est à dire que nous aménageons des sièges sociaux d’entreprises, principalement sur Paris et en région parisienne. Nous utilisons le terme de lieu de vie parce que chez Sowen, notre mission est de créer des univers où le collaborateurs se sentira bien, comme chez lui, dans le souci d’attirer et de retenir les talents. Tout autour de cette activité d’aménageur d’espaces, nous avons développé plusieurs activités qui composent le groupe : conseil sur les nouveaux modes de travail, architecture et réalisation de bureaux, pilotage de travaux d’aménagement et distribution de mobilier.

Nous avons créé Sowen, en 2017 et depuis 2020 nous vivons une phase de forte croissance. Une tendance qui avait débuté avant le Covid lorsque nous nous sommes repositionnés sur le marché et que nous avons rebrandé la marque. Cela nous a permis d’attirer de nombreuses entreprises désireuses de repenser leur manière de travailler et de s’installer.

Avez-vous toujours voulu entreprendre ?

P-A P : Je ne crois pas. Je suis issu d’une école de commerce assez classique. Je crois que l’école de commerce, en tout cas à notre époque, n’était pas un accélérateur d’entrepreneuriat. Nous étions plutôt formés à devenir des managers. Ce que j’ai fait pendant un certain temps dans le secteur de la banque et de la finance.

Ce qui m’a fait basculer dans l’entrepreneuriat c’est l’envie de me surpasser et de créer par moi-même. Je me suis très vite retrouvé bloqué dans des groupes où, même si nous sommes performants, nous nous trouvons forcément limité. À la fin de la trentaine, je me suis donc lancé en me disant : « Vas-y, tu as assez de bagages ». Je pense que je n’étais pas prédestiné à ça mais j’avais cette envie de me surpasser et de créer des choses.

Cette envie de vous surpasser et d’entreprendre, est-ce une envie que vous partagez avec votre épouse ?

P-A P : Nous n’avons pas eu dès le début le souhait de monter un projet ensemble. Mais nos deux profils sont assez différents et se complètent bien. Mon épouse possède un parcours plutôt « atypique » et plus entrepreneurial par nature, moins calibré « grand groupe ». Elle a toujours évolué dans un système où elle était seule à mener sa barque, dans plusieurs secteurs comme la décoration ou le coaching. De mon côté, j’ai un bagage « grand groupe », école de commerce.

Elle m’a toujours poussé à voir les choses un peu différemment. Nous sommes extrêmement complémentaires dans notre façon de gérer l’entreprise parce qu’elle a ce côté aventureux de l’entrepreneuriat. Et j’avais cette façon un peu plus conventionnelle de gérer une entreprise. Ce qui est amusant, c’est qu’avec les années nous commençons à beaucoup nous ressembler. Alors bien sûr, c’est valable dans tous les couples. Mais quand vous travaillez tous les jours avec votre conjoint, vous vous retrouvez 24 heures sur 24 ensemble. Vous vous ressemblez donc à la fois dans la vie privée, mais aussi dans la vie professionnelle. C’est assez drôle de voir notre évolution ces dernières années. Elle, n’a pas perdu son côté entrepreneur, mais adopte une vision plus lissée des choses. Moi de mon côté, je développe une vision un peu plus entrepreneuriale.

Quels sont les avantages et les inconvénients de travailler en couple ?

P-A P : Entreprendre en couple nécessite de mettre une distance entre la vie privée et professionnelle. Le travail ne doit pas rentrer dans la sphère privée et quand il y a des difficultés dans le business c’est compliqué à gérer. Donc vous avez intérêt à avoir un couple solide capable de gérer cela. Parce que c’est vrai que se voir 24 heures sur 24 c’est à la fois une grande chance mais aussi une grosse prise de risque. Quand nous sommes confrontés à des difficultés dans l’entreprise et que l’un de nous est pris à partie, c’est compliqué de prendre position de manière arbitraire et dur. Mais il faut y arriver. Entreprendre avec son épouse je pense que ça peut être effectivement dangereux pour la vie de couple. Ça passe ou ça casse. C’est une chose qui se ressent plus qu’elle ne se dicte.

Nous de notre côté, nous voyons cela de manière extrêmement positive. J’ai besoin d’elle pour avancer et je pense que c’est pareil pour elle. Ensuite, l’avantage d’être en couple et de travailler ensemble, c’est que nous réglons beaucoup de choses privées en étant au travail. Dans le passé, j’ai déjà été dans ce cas de figure où quand je rentrais du travail, je réglais des problèmes avec ma compagne. Alors que nous en rentrant du boulot, nous avons déjà tout réglé pendant la journée.

Comment parvenez-vous à dresser une limite entre le pro et le perso ?

P-A P : Ce n’est pas chose facile. Surtout quand on est dans une phase de croissance forte comme celle que nous vivons depuis deux ans. Mon épouse parvient mieux que moi à faire la séparation entre le travail et la sphère privée. Donc je dirais qu’elle est un peu le point d’équilibre du couple. Moi en règle générale, je travaille tard, je ne décroche pas souvent… Je pense qu’aujourd’hui nous ne nous sommes pas encore fixés de règle, même si nous savons décrocher le soir, lorsque nous retrouvons nos trois enfants.

Mais je pense que c’est quelque chose que nous allons être obligés de faire de manière plus rigoureuse dans les prochains mois. Une fois qu’on aura passé ce cap-là. Je dirais que la clé de la réussite de l’entrepreneuriat en couple, c’est de s’accorder obligatoirement des moments privés et des moments d’entreprises distincts. En fait nous avons besoin d’avoir trois moments : notre moment de travail, notre moment en famille et nos moments privés.

De nombreux entrepreneurs le disent, leur entreprise est un peu comme leur enfant, est-ce votre cas ?

P-A P : Non, je ne crois pas. Je crois que nous sommes assez détachés par rapport à l’entreprise. Peut-être parce que nous avons déjà trois enfants. Je suis assez lucide sur le fait que nous n’aurons pas qu’une seule entreprise dans notre vie. Peut-être que demain le projet ne marchera pas, ou au contraire ce sera un succès. En tout cas, je suis presque certain que nous porterons un jour un autre projet professionnel.

Donc nous ne voyons pas Sowen comme un quatrième enfant. Nous y sommes attachés, nous voulons que ça fonctionne, mais nous n’avons pas ce lien aussi fort qu’entretiennent certains entrepreneurs avec leur boîte. Je ne sais pas si c’est une force ou une faiblesse d’ailleurs. Je pense que c’est bien d’être très attaché pour être très investi. Mais c’est aussi bien d’être détaché pour ne pas avoir de mauvais choix à faire. 

Imaginez-vous transmettre votre entreprise ou du moins le goût de l’entrepreneuriat à vos enfants ?

J-A P : Oui, je pense. Nous avons envie de leur donner ce goût-là, mais je pense qu’ils l’ont déjà un peu. Ils nous voient beaucoup travailler, vivre des hauts et des bas, gérer l’humain en permanence, etc. Nous avons envie qu’ils aillent plus rapidement que nous dans l’entrepreneuriat, parce que c’est une super aventure. Après, cela ne veut pas dire qu’ils le feront mais ils ne pourront pas dire, comme nous, qu’ils n’étaient pas prêts. Donc s’il y a quelque chose à leur apporter, c’est déjà cette conscience et cette envie d’entreprendre, de se surpasser. Nous aimerions leur donner les armes pour entreprendre plus tôt. Nos enfants sont encore relativement jeunes et leur génération aura sans doute cette sensibilité-là, beaucoup plus que nous à notre époque.

Evidemment, ce qui serait sympa c’est que les enfants puissent prendre la suite. Maintenant, je ne suis pas sûr que ce soit un cadeau que de leur confier notre entreprise. Il faut aussi qu’ils puissent se construire par eux-mêmes et je ne suis pas sûr que de rentrer dans une entreprise en étant déjà actionnaire soit extrêmement formateur. 

Quel conseil d’entrepreneur donneriez-vous à vos enfants ?

P-A P : Déjà de rentrer rapidement dans le monde du travail, en tout cas dans ce qu’ils aiment. Après, faire leurs armes dans le maximum d’entreprises et de secteurs différents. Je pense qu’il ne faut pas s’affranchir de ce chemin. Encore une fois, je suis issu d’une génération où il fallait absolument être chez BNP Paribas, L’Oréal, LVMH. Mais en fait, il faut être beaucoup plus ouvert : aller dans des petites boîtes, des grandes boîtes, en France et à l’international, bouger beaucoup et multiplier les expériences en peu de temps. 

Et dès qu’on a le sentiment d’avoir une idée, il faut y aller. Ne pas avoir peur de se planter. Il ne faut pas oublier que pour se planter, il faut d’abord essayer. Donc je pense que le plus grand succès que nous pourrions souhaiter à nos enfants serait qu’ils n’aient pas peur d’entreprendre.

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