Télétravail : comment superviser… sans « fliquer »

Télétravail : comment superviser… sans « fliquer »

Publié le 2 mai 2023

Désormais au cœur des pratiques organisationnelles des entreprises, le télétravail implique l’adoption de nouvelles techniques de management à distance. Avec parfois des effets délétères pour les salariés concernés, depuis les doutes sur la confiance que leur accorde leur manager jusqu’au risque d’épuisement physique et intellectuel. Comment superviser ses collaborateurs à distance sans pour autant les déstabiliser ? C’est le sujet d’une étude* menée par quatre chercheurs,
dont Birgit Schyns de NEOMA Business School.

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Pilotage à distance : des impacts psychologiques avérés

L’étude menée par quatre chercheurs, dont Birgit Schyns, de NEOMA, s’intéresse précisément à ces impacts psychologiques. Elle s’appuie sur deux investigations, menées au total auprès de 450 salariés britanniques. La première a eu lieu en mai 2020, au début des confinements imposés par la pandémie ; la seconde, en février 2022, alors que le télétravail était devenu un mode d’organisation largement répandu dans les entreprises.

Principal enseignement : le monitoring quotidien donne aux collaborateurs en télétravail un sentiment de perte de confiance de la part du manager. « Impression de perte d’autonomie et de contrôle sur leur travail, ils sont amenés à s’interroger sur les raisons de ces demandes si fréquentes, ce qui peut les conduire à douter d’eux-mêmes et à s’auto-dévaloriser », explique Birgit Schyns, co-auteure de l’étude et professeure de NEOMA. « Avec à la clé en fin de journée un sentiment d’épuisement tant physique qu’intellectuel ».

La première étude, réalisée en pleine crise du Covid-19, révèle que ce phénomène s’aggrave encore quand le manager se montre imprévisible. « L’horaire de ses demandes change d’un jour à l’autre, il réclame selon les cas des détails ou des reportings approfondis, ses requêtes sont ambiguës, inattendues, voire déroutantes… ». Là encore, les collaborateurs cherchent un sens à ces comportements ; et faute d’en trouver, ils ressentent un sentiment d’injustice, ou une peur due à ce climat permanent d’incertitude. « Certains ont même l’impression diffuse que « quelqu’un regarde par-dessus leur épaule » pour surveiller leur activité en continu ».

En revanche, la seconde étude n’a pas conforté cette aggravation, soulignant qu’en 2022 les salariés interrogés s’étaient davantage habitués au télétravail et bénéficiaient de repères plus stables.

Une souffrance silencieuse mais bien réelle

Cet article apporte un éclairage inédit sur la dynamique entre pilotage à distance et confiance ressentie par les salariés, alors même que jusqu’à présent l’état de l’art de la recherche autour du télétravail s’interrogeait davantage sur la confiance du collaborateur en télétravail envers son manager. « Contre toute attente, notre étude démontre que la souffrance silencieuse exprimée contraste avec l’image positive du télétravail, considéré par les entreprises comme un outil de productivité et par les salariés comme une composante de leur qualité de vie ».

Quels enseignements concrets les managers peuvent-ils tirer de cette étude ?

• D’abord, ils doivent réaliser que le pilotage de leurs collaborateurs en télétravail n’est jamais anodin, même s’il est évidemment nécessaire. « En conséquence, la fréquence et les horaires de leurs sollicitations doivent être définis avec soin – une fois par jour, c’est trop –, annoncés aux intéressés et respectés. L’idéal étant bien sûr de les fixer d’un commun accord ».
• De même, les managers doivent veiller à être prévisibles dans leurs demandes, pour ne pas créer un climat d’incertitude facilement assimilé à du « flicage ». « Quand un manque de constance est nécessaire du fait des circonstances, l’idéal est de prévenir les collaborateurs des raisons du changement et du détail de ces modalités ». Cette règle est encore plus impérative si l’entreprise traverse une période difficile. Comme le révèle l’étude de 2020, plus le contexte environnant est mouvant, plus le manager doit faire preuve de régularité et de fidélité aux règles établies dans ses actions de pilotage.
• Dernière piste pour les managers : montrer explicitement à leurs salariés qu’ils leur font confiance, « en saisissant toutes les opportunités de leur déléguer des tâches ou des responsabilités ».

L’impact du pilotage à distance est tel que les auteurs de l’article conseillent aux dirigeants de s’emparer eux aussi du sujet. Ils leur suggèrent notamment de fournir des lignes directives globales à leurs managers et de définir des référentiels de comportements managériaux pour encadrer cette pratique.

« Pour aller plus loin, ils peuvent les former au développement de la confiance, et à l’importance des feedbacks aux collaborateurs à propos de la qualité de leur travail. Enfin, les échanges de bonnes pratiques entre managers peuvent également contribuer à favoriser des relations de confiance au sein des équipes ».

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