Semaine de la qualité de vie au travail – [Interview] Gaël Chatelain : « Un bon manager met le travail à sa juste place »

Semaine de la qualité de vie au travail – [Interview] Gaël Chatelain : « Un bon manager met le travail à sa juste place »

La qualité de vie au travail (QVT) est source de productivité et de créativité. Certes. Encore faut-il que quelqu’un veille au grain ! C’est la responsabilité de tous et le devoir des managers, selon Gaël Chatelain, écrivain, conférencier et ancien (feelgood) manager de TF1 à Canal+ en passant par l’Ina. L’auteur de « Mon boss est nul mais je le soigne » (Marabout) partage avec nous sa vision, en guise d’introduction à la semaine de la qualité de vie au travail (17 au 21 juin 2019), 16e édition organisée par l’Anact.

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Qualité de vie au travail. De quoi parle-t-on ?

En France, c’est au départ une dramatique vague de suicides chez Renault et France Télécom, en 2008. On a laissé ces situations se produire, avant de commencer à prendre soin des gens. On est ensuite passé de ce cynisme à quelque chose de profondément utilitaire : si on veut attirer et garder de jeunes talents, la qualité de vie au travail est fondamentale. Reste que la France est n°2 de l’absentéisme en Europe, en raison du stress au travail.

Par quoi la QVT devrait-elle commencer selon vous ?  

Le management. Si vous êtes un manager attentif, c’est absolument impossible d’avoir un burnout dans votre équipe. Aujourd’hui 10 % des salariés français ont ou vont faire un burnout ! On est sur la deuxième place du podium mondial (après le Japon) ! Un bon manager va vous dire de rentrer chez vous s’il se fait tard, ne vous enverra pas de mails en dehors des heures de travail, etc. Il met le travail à sa juste place.

Vous avez cette formule sur LinkedIn : « Être acteur individuellement de son bien-être, que l’on soit manager, ou managé : tel est l’enjeu ». Comment fait-on concrètement pour devenir cet acteur ?

Refuser de se laisser dévorer par son boulot. Si vous n’êtes pas en phase avec des valeurs ou des comportements, il faut changer de travail. C’est une forme de responsabilité ! Les jeunes générations (Y et Z) l’ont bien compris : au moindre décalage entre travail et mode de vie, ils partent. Finalement c’est beaucoup plus difficile pour une entreprise d’attirer quelqu’un qui a du talent, plutôt que de trouver du boulot. Le pouvoir est en train de s’inverser depuis 2-3 ans.

« Il faut refuser de se laisser dévorer par son boulot »

 

Alors pourquoi se freine-t-on si souvent ? Est-ce simplement la peur du chômage ?

Oui. Et pourtant elle est irrationnelle car le taux de chômage est seulement de 3,8 % pour les cadres. Il suffit donc d’avoir le courage de dire non. Il y a beaucoup de protections en France, comme cette nouvelle loi qui permettra de démissionner tout en touchant le chômage [loi Avenir professionnel, N.D.L.R.].

Pensez-vous que le bien-être au travail devrait être une obligation légale au même titre que la santé ? 

Elle l’est en théorie ! Par exemple, on n’a pas le droit d’obliger quelqu’un à travailler 60 heures par semaine ou d’envoyer un mail en dehors des heures de travail. C’est inscrit dans la loi El Khomri de 2016. Les entreprises ne l’appliquent pas parce qu’aujourd’hui, les dirigeants sont issus d’une génération où l’on était corvéables à merci. Petit à petit les paradigmes changent car ils ont besoin des nouvelles générations (les patrons de demain).

Alors pourquoi le bien-être n’est-il pas perçu comme prioritaire par les managers ?

Je ne suis pas d’accord. Par exemple, beaucoup de DRH changent de titre et deviennent « chef de la transformation ». Les grands groupes n’ont pas le choix car une entreprise sans talents meurt ! En Australie, Ernst & Young a octroyé 12 semaines de congés à tous ses salariés dans l’optique d’attirer les talents.

« Le numérique est anxiogène et notre époque réapprend à l’utiliser »

 

Avez-vous d’autres exemples d’actions innovantes qui vont dans le sens de la QVT ?

Les Allemands sont très forts avec la déconnexion. Daimler-Benz a instauré un système de réponse automatique de mails : un message indique que le mail sera effacé puisque la personne est en congé. Ainsi pas d’intrusion, pas de tentation non plus, et zéro mails dans sa boîte au retour des vacances. Le numérique est anxiogène et notre époque réapprend à l’utiliser. Le siège de Volkswagen, lui, ferme ses serveurs mails à 17h45.

Et que pensez-vous des initiatives wellness comme le yoga en entreprise ?

Yoga, baby-foot ou méditation n’ont rien de magique mais peuvent faire sens en fonction des problématiques. Par exemple, le baby-foot peut aider à rétablir la communication entre les équipes ! Ou le yoga pour contrer le stress du personnel soignant d’un CHU, etc. L’important est d’identifier le problème de base. 

Pour finir, quels seraient vos conseils pour les managers ?

Le problème actuel c’est que le management est à peine enseigné… Or c’est un métier, pas seulement un pouvoir et un salaire. Il y a au moins une formule simple à retenir : un manager ne doit jamais faire subir à ses équipes ce qu’il n’aimerait pas que son propre manager lui fasse.

 www.gchatelain.com/blog

 

1 commentaire

J’aime bien le parallèle entre les générations, le savoir dire non est bien acquis du côté des Z

Par Sylvie, le 21 juin 2019

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