Energie, climat, Iran… le conflit en Ukraine perturbe la politique Occidentale

Energie, climat, Iran… le conflit en Ukraine perturbe la politique Occidentale

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La guerre russo-ukrainienne rebat les cartes de la géopolitique mondiale. En fermant leurs marchés à la Russie, les pays de l’OTAN sanctionnent économiquement Moscou, mais se privent d’un important fournisseur de gaz et de pétrole. Une situation qui décuple la flambée des prix de l’énergie, déjà causée par la pandémie de Covid-19. Pour anticiper la hausse des tarifs et les pénuries, les occidentaux se tournent vers d’autres Etats et d’autres ressources. De quoi faire les affaires de l’Iran mais pas celles des engagements pour l’environnement, constate Bénédicte Augé, analyste de marchés pour X-Trade Brokers.

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La suspension du commerce entre les pays de l’OTAN et la Russie peut-elle engendrer une tension sur les cours de l’énergie ?

BA : Du point de vue de la France, le risque d’une pénurie des énergies reste assez éloigné. En ce qui concerne le gaz, les stocks sont remplis à plus de 30% de leur capacité. Ce niveau est certes inférieur par rapport aux précédentes années, mais tout de même suffisant pour endiguer les pénuries. D’autant que l’hexagone utilise surtout de l’énergie issue de sources nucléaires, pétrolières ou renouvelables. Le gaz naturel ne représente, en effet, que 16% du mix énergétique français. De plus, sur l’ensemble de ce gaz, celui en provenance de Russie ne pèse qu’à hauteur de 20%. La France n’est donc pas dépendante de cette énergie et encore moins des fournisseurs russes.

Toutefois la question est plus problématique à l’échelle européenne. La Russie représente environ 40% des importations d’énergies dans l’Union Européenne, uniquement grâce à son gaz. Certains pays de l’UE, grands consommateurs de cette ressource comme l’Allemagne, sont particulièrement dépendants de la Russie. Ainsi le manque d’approvisionnement en énergie ne pourra être évité et des tensions sur le marché surviennent déjà. De quoi engendrer une hausse des tarifs de l’énergie en Europe. Toutefois la plus pénalisée dans cette crise reste la Russie, qui exporte 50% de sa production d’énergie (gaz et pétrole) vers l’UE et les Etats-Unis, perdant donc une importante rente financière.

Quelles seront les conséquences des tensions d’approvisionnement sur la politique de l’Union Européenne ?

BA : Il est toujours difficile de se séparer d’un partenaire commercial de longue date comme la Russie. Si le robinet du gaz et du pétrole russe venait à se fermer, ou si l’UE continue de bouder son principal fournisseur, alors les 27 seront contraints de se tourner vers d’autres partenaires. Une nécessité puisque cette ressource est essentielle au bon fonctionnement des industries européennes. Une pénurie serait donc nocive pour la productivité des entreprises et les emplois sur le vieux continent. Les importations de gaz depuis la Norvège ou les pays du Moyen-Orient devraient donc croître dans les semaines à venir. Cependant une question subsiste quant à la durabilité de ces futurs contrats d’approvisionnement.

Afin d’éviter de subir un manque d’énergie à court terme l’Europe va devoir renoncer partiellement à certains engagements climatiques. Le fameux « Pacte Vert », présenté par la Commission Européenne en juillet 2021, qui vise à réduire de 55% les émissions de CO2 d’ici 2030, ne pourra pas être tenu. Même chose pour les promesses formulées au cours des différentes COP, qui devaient permettre d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Initialement les 27 membres de l’UE souhaitaient s’émanciper du charbon, ils vont pourtant devoir se fournir auprès de la Chine, alors que l’empire du milieu utilise ce combustible polluant. Une situation similaire devrait s’opérer vis-à-vis du gaz de schiste américain, jusque là fustigé par les européens. Cette issue serait la pire sur le plan climatique car ce type de gaz a une empreinte carbone beaucoup plus élevée que le gaz russe.

Cette crise de l’énergie liée au conflit russo-ukrainien rebat-elle les cartes de la géopolitique international ?

BA : L’Iran peut notamment en tirer profit pour revisiter les accords sur le nucléaire. Ces derniers, décrétés par l’ONU en 2015, restreignent le programme nucléaire du pays. Une sanction internationale qui s’ajoute aux décennies d’embargo mis en place contre le régime de Téhéran. Toutefois il semblerait que les occidentaux, avec les Etats-Unis en tête, soient prêts à renégocier les termes des accords. Avec des stocks de pétrole importants, qui combleraient une partie du vide laissé par la fin des exportations russes, les iraniens possèdent maintenant un moyen de pression intéressant. A voir si l’ensemble des pays exportateurs de pétrole de l’OPEP valident cette augmentation de la production. Ils pourraient aussi choisir de maintenir le niveau actuel pour ne pas faire chuter le prix du baril.

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