Autisme : porter un nouveau regard pour augmenter les emplois

Autisme : porter un nouveau regard pour augmenter les emplois

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En France seuls 5% des personnes atteintes de troubles autistiques trouvent un emploi. Une réalité d’autant plus mise en avant alors que ce 2 avril se tiendra, comme depuis 14 ans, la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Jean-François Dufresne, président de l’association Vivre et Travailler Autrement, dédiée à l’intégration des autistes en entreprise, déplore un « retard de la France en matière d’inclusion ». Père d’un adulte autiste, il constate que le manque d’embauches est lié à « certains clichés sur ce handicap, trop souvent perçu comme une maladie ». Pourtant l’insertion des autistes en milieu professionnel permettrait de les « rendre plus autonomes » tout en réduisant « les coûts d’accompagnement pour l’Etat », explique l’ancien directeur général du groupe Andros.

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Quel est l’état des lieux de l’employabilité des personnes atteintes d’autisme en France ?

JFD : Avant d’évoquer le nombre d’autistes ayant trouvé un travail, il faudrait déjà définir le nombre de personnes atteintes de troubles autistiques en France. En effet, la tâche est ardue puisqu’il n’y a pas de réelles études sur le sujet. Lorsque les chiffres officiels évoquent 700.000 autistes en France, soit 1% de la population, il ne s’agit que d’un recensement de personnes diagnostiquées. Or puisqu’il y a autant de formes d’autismes que d’individus, alors les troubles les plus légers restent souvent non-déclarés.

« Environ 95% de chômage chez les autistes »

Cependant même les formes légères perturbent les relations sociales et la communication des individus qui les portent. Une situation problématique quand il faut mettre en valeur ses compétences pour trouver du travail, notamment lors d’un entretien. Quoi qu’il en soit la situation est encore plus catastrophique en ce qui concerne les autistes diagnostiqués. Ils sont environ 450.000 en âge de travailler et 95% sont au chômage. Dans le cas des autistes atteints d’une forme sévère, comme mon fils, le taux d’employabilité est quasiment nul.

Pourquoi y’a-t-il si peu d’embauches de personnes autistes en France ?

JFD : La France est l’un des pays développés les plus en retard dans ce domaine. Bien que ce ne soit pas encore parfait, aux Etats-Unis 40% des autistes ont un emploi. De même, 18% des personnes atteintes de troubles autistiques en Grande Bretagne trouvent un travail. Cela s’explique notamment par le fait que dans ces pays les sociétés parviennent à valoriser et exploiter les atouts de certaines formes d’autisme. Par exemple, les individus à fort potentiel intellectuel, particulièrement brillants, peinent à vanter oralement leurs talents. Un problème en France, car la culture d’entreprise fait que les recrutements sont bien trop souvent basés sur les entretiens avec l’employeur. Malheureusement un autiste ne peut, dans cet exercice, exprimer convenablement ses aptitudes.

C’est une perte également pour les firmes qui parfois se privent de surdoués plus productifs que d’autres salariés sans handicaps. D’autant que la plupart des autistes possèdent de nombreux avantages en tant que salariés. Ils sont souvent très ponctuels, ne rechignent pas à exécuter des tâches rébarbatives, ils font preuve de zèle, apprennent très vite, détestent se tromper et sont donc fortement concentrés sur leurs missions. Enfin, cela permet également à une entreprise d’améliorer son impact social en termes de RSE.

« Avec un niveau Bac+10 ils finissent parfois SDF »

L’un des problèmes majeurs en France réside dans l’orientation des personnes atteintes d’autisme. Un phénomène qui frappe particulièrement les individus dits à « centres d’intérêts restreints ». Ceux-là se spécialisent dans une unique pratique, jusqu’à en devenir expert, mais ne trouvent pas toujours de débouchés dans ces professions. Ainsi, malgré un niveau de Bac+10, ils finissent à la rue faute de postes disponibles. Leurs spécificités ne sont pas prises en compte et on les oblige parfois à quitter leur zone de confort, mais ils n’y parviennent pas.

Selon vous c’est une erreur de considérer l’autisme comme une maladie ?

JFD : Selon moi c’est justement ce qui explique le manque d’emplois pourvus par des personnes autistes. Elles sont perçues par les employeurs comme des personnes malades. La France est d’ailleurs encore l’un des rares pays à identifier l’autisme comme une maladie. De ce fait, les autistes sont donc confiés systématiquement à des médecins qui se chargent de les orienter. Seulement ce n’est pas le rôle des soignants de décider de l’avenir d’une personne atteinte de troubles autistiques. En France on envoie les autistes dans des centres spécialisés pour s’occuper d’eux plutôt que de chercher à les autonomiser. En clair, l’Etat préfère payer des sommes astronomiques pour en faire des assistés plutôt que d’exploiter leur potentiel afin qu’ils s’épanouissent.

« Pour mon fils autiste, j’ai rapidement appris à faire sans les services de l’Etat »

D’ailleurs ce n’est pas pour rien qu’en 2021 la France a été condamnée par l’ONU pour non-respect du droit des personnes handicapées. Prendre en charge les autistes dans des foyers, où on fait tout à leur place, est tout bonnement inhumain. Selon moi les structures de l’Etat ne respectent pas la dignité de ces personnes puisqu’elles n’y apprennent rien. En l’occurrence, dans le cas de mon fils, j’ai rapidement appris à faire sans les services de l’Etat. Au sein de Vivre et Travailler Autrement nous développons une approche pédagogique. Nous guidons les autistes pour leur dire comment se laver, plier leurs vêtements ou se faire à manger. Ensuite nous les soutenons pour faire émerger chez eux des vocations. Cela en fait des personnes dynamiques, respectables et qui coûtent beaucoup moins cher à la société.

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